Les besoins de l’Afrique en énergie poursuivent une forte croissance, en raison de son boom démographique. En 2050, la population africaine doublera à 2,5 milliards d’habitants; autant de besoins énergétiques auxquels il faudra trouver réponse. Non seulement la population augmente, mais la consommation énergétique par habitant est également appelée à augmenter, pour rehausser le niveau de vie. En effet, la consommation électrique d’un Africain représente à peine 1% de celle d’un Norvégien. Il existe une corrélation forte - et linéaire qui plus est- entre le développement social et la consommation énergétique. L’Afrique a indiscutablement besoin de plus d’énergie pour rehausser son niveau de vie.
Le taux d’électrification est passé de 42% en 2015 à 54% aujourd’hui. Mais il ne s’agit pas uniquement de permettre l’accès à l’électricité pour tous, il convient également de le faire avec un réseau de qualité. Sur un classement de la qualité du réseau qui regroupe 195 pays, le premier africain dans le classement est le Maroc, viennent ensuite le Gabon à la 138ème position, le Ghana à la 144ème position, l’Afrique du Sud à la 145ème position…On le voit : la qualité du réseau électrique et sa stabilité restent fortement à améliorer. Ils seront indissociables d’un développement économique serein. L’Afrique contribue à l’effort mondial de réduction des gaz à effet de serre même si sa contribution au problème est marginale.
L’Afrique n’émet que 3,8% des gaz à effet de serre; les émissions de carbone d’un Nigérian représentent 2,8% des émissions d’un Américain. Ceux qui pensent que l’Afrique ne peut pas se développer sans énergies fossiles, sans puiser tout le pétrole et le charbon contenu dans son sous-sol, mettent ce paradoxe là en avant. Ils réclament pour l’Afrique le droit de polluer pour se développer, tout comme les Occidentaux l’ont fait auparavant. Mais la donne se complique, car les banques internationales actives sur le continent et les institutions multilatérales de développement refusent désormais en grande partie de financer certains secteurs qu’elles ont placés en liste grise en vue de réduire leur empreinte carbone : centrales à charbon, production pétrolière…, alors que les besoins de la population sont encore loin d’être assouvis.
Les opérateurs locaux doivent se tourner vers des investisseurs locaux (voire continentaux) qui vont accepter de prendre le relais sur ces projets, qui ne peuvent disparaitre du jour au lendemain par un coup de baguette magique. L’embargo imposé par les Européens sur la Russie a changé quelque peu la donne. L’Europe cherche à importer du charbon du Botswana, et à trouver des fournisseurs alternatifs de gaz et de pétrole sur le continent. Et le continent est riche en ressources fossiles, avec de nouvelles découvertes qui ne cessent de révéler l’étendue de son potentiel, comme celles au Mozambique, Côte d’Ivoire, Ghana, Sénégal et Mauritanie. Mais les financiers internationaux accepteront-ils de s’engager dans ces investissements à long terme, sachant que la crise ukrainienne ne changera pas la donne de façon structurelle ? Les impératifs de réduction des émissions continueront de s’appliquer avec une COP27 prévue bientôt en Egypte.
La Chine, qui semblait convaincue qu’un pays en voie de développement avait le droit de polluer pour se développer, essaie désormais de réajuster son modèle. Cela n’est pas évident pour une économie qui représente simultanément le premier producteur d’électricité au monde et le premier émetteur de carbone au monde. La Chine en ressent de plus en plus le besoin, car les pics de pollution dans les grandes villes chinoises sont devenus invivables, et leur fréquence ne fait qu’augmenter. Les coûts économiques de ces pics sont bien réels, et se font ressentir lorsque le pays impose des restrictions pour faire passer un pic de pollution : freins à la mobilité des personnes et des marchandises, baisse de l’activité économique, coûts sanitaires avec des maladies chroniques qui s’installent…
L’Afrique est mieux positionnée sur les énergies renouvelables qu’on pourrait le croire. En Afrique subsaharienne, 68% de la consommation énergétique sont d’origine renouvelable. Chez 28 pays sur le continent, la part de l’énergie renouvelable représente plus de 70% dans leur mix énergétique. Ils sont 17 à générer plus de 80% de leur énergie à partir du renouvelable. Certes, il faut relativiser ces résultats, car le volume global généré pour soutenir ces économies est faible en comparaison à des économies de taille plus importante, mais le niveau de verdissement est tout de même à saluer. Aux pessimistes qui pensent que l’Afrique ne peut se développer sans énergies fossiles, il convient de nuancer le message. L’avenir ne sera pas noir ou blanc, mais il convient d’y injecter autant de vert que cela est possible. Loin d’être un désir superflu, le verdissement de l’économie représente plusieurs intérêts pragmatiques, bien palpables. D’abord, le gisement de ressources financières dirigées vers le verdissement de l’économie est considérable.
Les Etats, les entreprises et les collectivités peuvent obtenir des financements importants à des coûts défiant toute concurrence. Pourquoi ne pas en profiter ? Ensuite, les dégâts environnementaux qui découlent d’un modèle de production intensif, basé sur les énergies fossiles, sont réels, palpables et même visibles à l’œil nu, à l’image des colonnes de fumée qui envahissent les villes chinoises ! Faut-il attendre d’en arriver là pour vouloir faire marche arrière, et se dire : «Et si à présent on prenait en compte notre impact sur l’environnement» ? Les pays occidentaux tardent dans leur transition, car ils ont déjà par le passé construit des infrastructures énergétiques coûteuses qu’il faut amortir. Difficile de les transformer du jour au lendemain. Pourquoi l’Afrique devrait-elle surinvestir dans une infrastructure vouée à être dépassée ? Autant investir directement sur la bonne, celle de l’avenir.
Enfin, et c’est là l’élément le plus important : ce n’est pas parce que ça n’a jamais été fait auparavant que ce n’est pas possible ! Ce n’est pas parce que les pays occidentaux se sont développés avec des énergies fossiles qu’il faut suivre le même chemin qu’eux. Ce n’est pas une utopie. Prenons un exemple, celui de la bancarisation. La bancarisation s’est développée en Occident grâce au développement de réseaux bancaires. L’Afrique s’est bancarisée autrement : en développant l’usage du mobile money détenu sur des wallets. L’Afrique a réussi à financiariser une bonne partie de sa population sans passer par le développement de réseaux d’agences bancaires denses et coûteux. Elle a inventé sa propre voie. Et c’est çà que l’on souhaite voir se reproduire sur d’autres secteurs.
Par Omar Fassal