Economie : Inquiétante flambée de cash

Maroc : La monnaie fiduciaire inquiète les banquiers

 

Le rythme élevé de la croissance de la monnaie fiduciaire interpelle et pèse sur la liquidité des banques.

Bank Al-Maghrib réagit et les banques s’adaptent.

 

Par Amine Elkadiri

Monnaie fiduciaire : Inquiétante flambée de cash

Alors que les autorités monétaires ont déclaré la guerre à l’argent liquide, la circulation de cash au Maroc atteint des sommets. Selon les statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib (BAM) à fin juillet 2019, la circulation fiduciaire a accéléré de 8,5% par rapport à la même période de l’année dernière, atteignant un encours de 247,4 Mds de DH. C’est près de 14 Mds de DH de plus que l’année dernière à la même période.

Par conséquent, la part de marché de la monnaie fiduciaire dans la masse monétaire est passée à plus de 18%, contre seulement 16% au début de la décennie. Une tendance qui interpelle BAM et certains banquiers.

«Nous sommes dans une tendance assez rare dans le monde où la monnaie fiduciaire croît autour de 7%», constatait récemment Ismail Douiri, Directeur général d'Attijariwafa bank, à l’occasion de la conférence de presse de présentation des résultats de la banque.

«Sur les 5 à 10 dernières années, annuellement, la masse fiduciaire a augmenté de 10 milliards de dirhams. Ces deux dernières années, elle augmente de 17 à 18 milliards de dirhams par an», a souligné Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de son dernier point de presse.

Une hausse de la circulation de la monnaie fiduciaire n’est jamais bon signe. BAM assure suivre de près la situation et a émis certaines pistes pour expliquer cette flambée de cash en circulation: s’agit-il de l’effet du durcissement des mesures de lutte contre le blanchiment d'argent ? Est-ce un symptôme supplémentaire du manque de confiance dans l’économie et en son avenir ? Ou alors est-ce la peur du fisc qui a durci les contrôles ces dernières années ?

En tout cas, BAM dit faire le nécessaire pour enrayer cette tendance, d’autant que cette hausse de la monnaie fiduciaire commence à peser sur les liquidités bancaires.

 

Monnaie fiduciaire : Assèchement de la liquidité bancaire

Car, tout ce cash en circulation, c’est autant d’argent en moins dans les dépôts bancaires. En effet, voici plusieurs mois déjà que les dépôts connaissent un ralentissement sensible. Nous vous en parlions déjà sur Finances News Hebdo en début d’année. En 2 ans, le rythme d’évolution des dépôts bancaires est passé de 6% de hausse à un peu plus de 3% actuellement, réduisant du même coup la capacité des banques à transformer ces dépôts en crédits à l’économie.

Au deuxième trimestre 2018, les dépôts avaient même affiché une croissance négative, comme le soulignait une note de recherche de Crédit du Maroc Capital.

«La croissance des crédits est plus importante que celle des dépôts. Au lieu que ces dépôts restent dans le secteur bancaire et soient recyclés en crédits, ils partent en billets de banque», a commenté Ismail Douiri. 

Ceci a eu pour conséquence de créer des tensions sur la liquidité bancaire, poussant les banques à recourir de plus en plus à la monnaie Banque centrale. Durant le deuxième trimestre 2019, le besoin en liquidité des banques s’est accentué à 75,1 milliards de dirhams en moyenne hebdomadaire, sous l’effet de l’augmentation de la circulation fiduciaire. Bank Al-Maghrib a ainsi relevé le montant de ses injections à 76 milliards, dont 73,3 milliards sous forme d’avances à 7 jours. Elle a procédé également à une opération d’avances à 24 heures pour un montant de 2 milliards de dirhams.

Monnaie fiduciaire maroc économique

Bank Al-Maghrib n’en est pas restée là : elle a décidé de ramener le taux de la réserve monétaire de 4% à 2%, injectant ainsi dans le circuit bancaire 11 milliards de DH supplémentaires. 

Outre les sorties importantes de cash du secteur bancaire, un autre facteur ne joue pas en faveur de la hausse des dépôts: le contexte de taux bas. Ainsi, la baisse des taux rémunérateurs des dépôts à terme a contribuer au ralentissement du rythme de la croissance des dépôts de la clientèle, les banques préférant le pied sur les dépôts à terme, quitte à perdre des parts de marché.

Une autre explication à cette baisse a trait à la diminution du rythme de la création monétaire par le biais du crédit. 

 

Monnaie fiduciaire : Les banques s’adaptent

Face à cette situation, les banques ne sont pas restées les bras croisés. La plupart d’entre elles recourent de plus en plus aux marchés financiers pour se refinancer à bas coûts, dans le contexte actuel de taux bas.

«Nous avons beaucoup de leviers et nous continuons de les générer pour pouvoir avoir de la liquidité : nous avons fait beaucoup d’opérations de titrisations et nous titriserons davantage d’autres créances. Bien sûr, il y a un petit abandon de marges au profit des investisseurs institutionnels, mais en même temps, il y a suffisamment d’appétit aujourd’hui pour des produits de plus en plus sophistiqués», a indiqué Ismail Douiri.

Pour Laurent Dupuch, président du Directoire de BMCI, qui confirme le ralentissement notable des dépôts, la relance des dépôts bancaires passe par «le renforcement de l’offre client et l’amélioration de l’offre commerciale». De plus, toujours selon L. Dupuch, l’inclusion financière sera une base pour attirer davantage de dépôts et améliorer leur niveau.

Pour Ahmed El Yacoubi, président du Directoire de Société Générale Maroc, la réponse doit venir de l’effort commercial des banques : «il faut faire l’effort de continuer à recruter des clients, ouvrir des agences, offrir des nouveaux services, etc. Nous avons cette ambition». 

 

 

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