Le Royaume affiche de plus en plus son ambition de jouer les premiers rôles en tant que puissance commerciale régionale et acteur industriel d’envergure mondiale.
C’est dans ce sillage que des efforts ont été déployés, depuis quelques années, afin de rendre le bouclier de défense commerciale du pays efficace. Toutefois, du chemin reste à faire pour rattraper les pays développés et les puissances émergentes en la matière.
Il serait très ardu de trouver une puissance commerciale ou industrielle issue des pays développés, voire émergents, dépourvue d’un puissant bouclier de défense commerciale. Cette situation découle du fait que même les grandes entreprises, aussi robustes soient-elles, se trouvent parfois démunies face à une concurrence étrangère déloyale pratiquant le dumping ou épaulée par des subventions publiques proscrites par les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le Maroc est de plus en plus conscient de l’impératif de protéger son tissu industriel des affres de la concurrence déloyale sur le marché domestique. Pour peu qu’on soit vigilant, il est assez aisé de constater que depuis que le pays s’est doté d’un décret d’application sur la politique commerciale en 2012, on assiste à un foisonnement d’ouvertures d’enquêtes antidumping et de sauvegarde.
Il faut dire que le Département du Commerce extérieur était astreint de réagir, afin de réguler les importations de plus en plus massives, accélérées par les multiples accords de libre-échange signés par le Maroc (plus d’une centaine) et les nombreuses conventions commerciales préférentielles. L’autre motif, qui justifie amplement ce tour de vis, est que depuis la crise financière de 2008, les pratiques de dumping se sont accrues à l’échelle internationale. D’ailleurs, rien qu’en 2013, on dénombrait pas moins de 2.100 mesures de défense commerciale à travers le monde. Toutefois, en décidant de faire prévaloir l’article 6 du GATT, permettant aux pays de prendre des mesures contre le dumping, le Maroc avait suscité l’inquiétude de l’UE, qui dénonçait une tendance protectionniste de la part du Royaume. Or, le paradoxe est que le Vieux continent et les USA sont les deux bastions qui battent les records en termes d’application des mesures antidumping. Au-delà du caractère légal du recours aux mesures antidumping autorisé par l’OMC, il est clair que le Maroc ne peut plus faire l’économie d’une défense commerciale efficace.
Pour cause, le tissu industriel du pays demeure fragile, en dépit des mesures prises dans le sillage du Plan d’accélération industrielle. Cela dit, le foisonnement des ouvertures d’enquêtes antidumping et de sauvegarde constaté ces derniers temps, remet en selle le débat sur la compétitivité des entreprises marocaines, pénalisées par des coûts de facteurs de production élevés et bien d’autres maux.
Prédominance des enquêtes portant sur les mesures antidumping
On dénombre moins d’enquêtes portant sur les mesures de sauvegarde que celles afférentes aux mesures antidumping, qui ont concerné entre autres, les importations de papier ramettes en provenance du Portugal, le PVC des USA, les tôles en acier laminé à chaud importées de l’UE, le contreplaqué en provenance de Chine et les importations d’insuline du Danemark. Il est tout de même opportun de préciser que l’application des mesures antidumping et de sauvegarde n’intervient que si l’enquête détermine que la pratique du dumping est avérée et que les importations sont massives (cas de la sauvegarde).
Les mesures antidumping sont particulières et efficaces pour lutter contre les entreprises étrangères, qui exportent leurs produits à des prix inférieurs à ceux qu’elles pratiquent normalement sur leur propre marché intérieur. Toutefois, en matière de défense commerciale, il y a lieu de souligner que le Maroc doit combler un large gap par rapport aux pays développés et en comparaison aux Etats à développement similaire (Egypte, Turquie), d’ailleurs, il faudrait noter qu’aucune enquête concernant les subventions, moyens très usités par les Etats pour soutenir leurs entreprises, n’a été ouverte au Maroc. Par ailleurs, nombreuses sont les entreprises marocaines qui manquent cruellement d’informations et d’expertise concernant le dispositif antidumping régi par les règles de l’OMC.
Or, étant requérantes, elles ont la charge d’apporter les preuves nécessaires pour l’ouverture d’une enquête pour l’application des mesures antidumping ou de sauvegarde. Au regard de ces contraintes, force est d’admettre que le ministère de tutelle doit déployer plus d’efforts pour former et conscientiser les entreprises sur le caractère important de ces mesures de défense commerciale.
L’autre difficulté aux yeux des opérateurs est le délai jugé trop long avant l’ouverture des enquêtes. Cela dit, il est important de rappeler que l’application des mesures antidumping est ponctuelle, car elle ne peut excéder cinq ans après son entrée en vigueur, à moins qu’il ne ressorte d’une enquête que leur abrogation entraînerait un dommage. Cette limitation temporelle devrait inciter les entreprises marocaines (Maghreb Steel) et les branches industrielles ayant bénéficié de ces mesures, de mettre à profit ce temps de répit sur le marché domestique pour se remettre à niveau. En définitive, il est de bon augure pour l’industrie nationale que les autorités compétentes fassent usage du bouclier de défense commerciale pour les parer contre des entreprises étrangères parfois prêtes à tout pour s’arroger de nouvelles parts de marché à l’étranger.
Momar Diao