Croissance: «Il est probable que les projections pour 2023 soient révisées à la baisse»

Croissance: «Il est probable que les projections pour 2023 soient révisées à la baisse»

L’inflation actuelle n’est pas conjoncturelle, mais risque de perdurer un certain temps.

Entretien avec Mohamed Amrani, économiste.

 

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo : Les prévisions des institutions nationales et internationales relèvent de nombreuses incertitudes concernant l’économie marocaine. Quelle analyse en faites-vous ?

Mohamed Amrani : Avec la fin de la pandémie, 2022 aurait dû être une année de relance de l’économie nationale. De nombreux secteurs ont pu assurer leur reprise, particulièrement ceux qui ont un effet majeur, comme le tourisme qui a enregistré un taux de récupération de 84%, alors que la moyenne mondiale ne dépasse pas les 64%. D’autres activités s’inscrivent elles aussi dans cette même tendance, comme l’automobile, l’aéronautique et la plupart des filières industrielles. Mais deux éléments fondamentaux ont pesé sur cette relance pour stimuler la croissance. Il y a d’abord la campagne agricole, qui s’est soldée par des résultats défavorables, et aussi la guerre en Ukraine, qui a accentué l’inflation importée et perturbé plusieurs chaînes de valeur. Les soubresauts de ces éléments étant toujours présents, la situation ne peut s’améliorer que lorsqu’on connaitra l’évolution de la campagne agricole actuelle. La pluviométrie n’étant pas assez suffisante pour assurer une bonne saison, même s’il pleut dans les semaines à venir, ce sera trop tard pour redresser la situation. Pour l’année en cours, le haut-commissariat au plan (HCP) a fixé un taux de croissance de 3,3%, alors que Bank Al-Maghrib prévoit 2,6%, et il est probable que toutes les projections soient révisées à la baisse.

 

F.N.H. : L’agriculture sera donc toujours déterminante dans la croissance ?

M. A. : Effectivement, l’évolution du PIB du Maroc demeure intimement liée à celle de l’agriculture. Certes, le Maroc a diversifié son économie en capitalisant sur l’industrie et les services, mais l’agriculture a toujours un poids prépondérant pour créer de la valeur ajoutée. 40% de la population marocaine vivent dans le monde rural et dépendent quasiment de l’agriculture. Selon les saisons, le revenu des fellahs peut passer facilement du simple au double, comme il peut reculer drastiquement. Lors d’une bonne campagne agricole, la demande intérieure progresse, impliquant une hausse des dépenses de consommation et d’investissement.

 

F.N.H. : L’inflation s’inscrit dans des tendances haussières. Comment pouvez-vous l’expliquer ?

M. A. : Le phénomène est mondial à cause de la flambée des prix du pétrole et des produits agricoles. La perturbation des chaînes de valeur, surtout le transport et la logistique, a accentué l’inflation. Mais il y a des nuances selon les pays. En Turquie et en Egypte, l’inflation a atteint des niveaux record, avec respectivement plus de 55% et 26%. Au Maroc, bien que ce taux n’ait cessé de progresser, il dépasse actuellement légèrement les 10%. Malgré la stabilisation des prix du brut et des produits agricoles importés, l’inflation continue son envolée. Le problème est que le renchérissement des prix dans le pays touche particulièrement les produits alimentaires qui, sur une année, ont progressé de plus de 21%, impactant le pouvoir d’achat de la population à revenu modeste. Le phénomène n’est pas conjoncturel; il risque de perdurer un certain temps et peut entraîner des tensions sociales.

 

F.N.H. : Pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement soient suffisantes pour maîtriser l’inflation ?

M. A. : Bank Al-Maghrib a augmenté récemment son taux directeur, et il est probable qu’elle va le refaire prochainement. Cette mesure a pour le moment des effets limités pour maîtriser l’inflation qui continue de progresser. Les opérations de contrôle des prix ne peuvent pas, elles aussi, renverser la tendance, dans la mesure où les produits sont chers à la base. L’inflation a pour origine essentiellement des facteurs internes. D’abord, l’agriculture nationale qui, sous l’effet de la sécheresse, n’arrive pas à produire suffisamment. Aussi, les grands exploitants préfèrent exporter leurs marchandises plutôt que de fournir le marché local, car ils ont signé des contrats et sont tenus d’honorer leurs engagements. Par ailleurs, concernant les intermédiaires qui, selon le gouvernement font grimper fortement les prix, il est temps de remédier à ce problème d’une façon ferme.

 

 

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