Croissance: le spectre de la non-reconduction de l’accord céréalier

Croissance: le spectre de la non-reconduction de l’accord céréalier

La croissance devrait atteindre 3,4% au T3, soit mieux que le taux enregistré au T2 (3,2%), mais moins bien que celui du T1 (3,5%).

Les tensions sur les matières premières risquent de refaire surface si l’accord céréalier de la mer Noire n’est pas reconduit.

 

Par A. Diouf

Laquelle des prévisions du FMI, de la Banque mondiale, du HCP ou de BAM se rapprocherait le plus du taux de croissance qu’enregistrera le Royaume cette année  ? Pour le moment, nul ne peut vraiment y répondre. Puisque sur les cinq mois et demi qui nous séparent de la fin de l’année, l’inflation importée pourrait refaire surface, à cause de la menace de non-reconduction que fait planer la Russie sur l’accord céréalier de la mer Noire, qui normalement expire le mardi 18 juillet 2023. En effet, si la Russie finit par mettre à exécution sa menace, ce qui est «très probable» selon plusieurs observateurs,  «le coût des denrées alimentaires augmentera sur le marché mondial des matières premières. Les pays riches recommenceront à les acheter pour les stocker et les revendre, et ce sont les pays pauvres qui en souffriront», est-il expliqué. Et un rebond des prix pourrait conduire Bank Al-Maghrib à redurcir sa politique monétaire, après la pause décidée en juin dernier avec le maintien du taux directeur inchangé.

Une campagne agricole passable…

Et dans ce contexte-là, le Maroc court un petit risque. La campagne agricole 2022-2023 est en effet juste moyenne. A fin avril dernier, elle n’a enregistré qu’un cumul pluviométrique de 207 mm, soit une baisse de 36% par rapport à une année normale (322 mm). Le début de la campagne a été caractérisé par des conditions climatiques défavorables, avec un retard des premières pluies, un déficit hydrique notable et une répartition spatio-temporelle inadéquate, en particulier depuis le mois de septembre jusqu’à la 1ère décade du mois de novembre 2022. Ce qui a retardé l’installation des cultures d’automne et impacté négativement l’état des parcours. Les pluies ont été concentrées sur la période de la 2ème décade de novembre 2022 à fin février 2023, avec de faibles précipitations en mars et début avril sur certaines régions

Du coup, la production prévisionnelle des trois principales céréales n’est estimée qu’à près de 55,1 millions de quintaux, contre 34 millions de quintaux en 2021/22. Il s’agit d’une hausse considérable de l’ordre de 62% par rapport à la campagne précédente. Mais voilà, cette production, qui a donné par espèce 29,8 millions de quintaux de blé tendre, 11,8 millions de quintaux de blé dur et 13,5 millions de quintaux d’orge, ne suffira pas pour couvrir les besoins nationaux. Il va falloir donc recourir à l’importation (voir tableau) ! Selon l’Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL), il faudra importer au total 25 millions de quintaux de blé tendre d’ici fin septembre prochain, pour combler le déficit. Aussi, pour inciter les opérateurs à s’impliquer et faire vite, l’Etat a, à nouveau, décidé de mettre la main à la poche, en restituant la différence entre le coût d’acquisition du blé étranger et un prix d’importation de référence fixé à 270 DH le quintal. La subvention s’appliquera principalement aux importations en provenance de Russie, d’Ukraine, de France, d’Allemagne, d’Argentine et des Etats-Unis.

…Mais le HCP optimiste

«Cette initiative intervient au bon moment et nous permettra de réapprovisionner le marché dans de bonnes conditions», a affirmé Omar Yacoubi, président de la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses (FNCL), lors de l’annonce de cette mesure au début du mois par l’ONICL. Le professionnels regardent notamment du côté de la Russie où des facilités de transactions financières viennent d’être instituées, notamment avec les trois plus grandes banques du Royaume. Reste que les problèmes logistiques au niveau de la Mer noire risquent de persister. Malgré tout, le HCP est optimiste. En effet, l’équipe d’Ahmed Lahlimi prévoit qu’il n’y aura pas de tensions majeures sur le marché mondial des matières premières. Ainsi, l’inflation devrait refluer au niveau national à +5,4% au troisième trimestre 2023 et sa composante sous-jacente pourrait diminuer jusqu’à 4,8%, suite à une moindre hausse des prix alimentaires et manufacturiers.

Dans ces conditions, la demande intérieure poursuivrait son amélioration, contribuant pour 1,5 point à la croissance économique globale. La consommation des ménages progresserait de 1,9%, mais l’investissement des entreprises tarderait à se redresser, du fait de la faible progression de leurs marges, est-il expliqué. Selon le HCP, cette résilience de la demande devrait entretenir une hausse de la valeur ajoutée des activités hors agriculture de 3,3%, au troisième trimestre 2023, en variation annuelle. La valeur ajoutée agricole devrait également enregistrer une hausse de 6,8%, portée par la poursuite du redressement de la production végétale. Et dans l’ensemble, l’activité économique devrait progresser de 3,4% au troisième trimestre 2023, en variation annuelle, au lieu d’une hausse de 1,9% au cours de la même période en 2022.

 

 

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