Conseil de la Concurrence : vers une cinquième année d’hibernation ?

Conseil de la Concurrence : vers une cinquième année d’hibernation ?

 

 

Le gouvernement mettra-t-il fin au gel de l’institution de gouvernance qu’est le Conseil de la concurrence ? Répondre par l’affirmative, notamment pour l’année 2018, semble être hasardeux.

 

Les chantiers du gouvernement pour l’année 2018 brillent par leur nombre important. En revanche, celui de la réactivation du Conseil de la concurrence, plongé dans un coma profond depuis 2013, constituera-t-elle une priorité pour la majorité gouvernementale en place ? Rien n’est moins sûr, même si lors de la déclaration gouvernementale en avril 2017, Saâd Eddine El Othmani, chef du gouvernement, n’avait pas manqué d’affirmer que l’Exécutif apportera son soutien au Conseil de la concurrence afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle.

La nécessité d’extirper l’entité constitutionnelle dirigée par Abdelali Benamour de son état végétatif a été rappelée récemment par les membres de la mission du Fonds monétaire international (FMI) pour le Maroc au titre de l’article IV des statuts du Fonds et de la revue de la ligne de précaution et de liquidité (LPL). «Les PME doivent avoir l’opportunité de prospérer et de se développer au Maroc. A ce titre, le rôle du Conseil de la concurrence est capital», suggérait Nicolas Blancher, chef de mission du FMI pour le Maroc.

Si le cadre juridique qui définit les attributions du Conseil de la concurrence (loi numéro 20-13) s’est substantiellement amélioré, notamment en termes de pouvoir décisionnel, au-delà du rôle consultatif, rappelons que depuis 2013, le mandat de ses membres, arrivé à terme, n’a toujours pas été renouvelé.

En conséquence, ce non-renouvellement a littéralement paralysé le Conseil, plongé dans une situation de blocage du fait de l’absence de ses membres. A l’heure où la rationalisation des dépenses publiques est élevée au rang de sacro-saint principe, l’on serait tenté d’affirmer que le personnel dirigé par Benamour perçoit un salaire pour ne rien faire.

D’ailleurs, celui-ci a concédé que le Conseil de la concurrence est en chômage partiel, car les équipes continuent de traiter les saisines et demandes d’avis. Pourtant, comme précédemment évoqué, l’entité, qui revendique sa totale indépendance et qui est placée sous l’autorité du chef de gouvernement, jouit d’un pouvoir décisionnel en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et de contrôle des opérations de concentration économique.

Si rien n’est fait, 2018 risque de marquer la cinquième année d’inertie du Conseil, dans un contexte où des voix s’élèvent pour fustiger le déficit de concurrence, la prégnance de l’économie de rente, les monopoles injustifiés, les prix uniformes et certaines aides publiques de nature à fausser la concurrence loyale.

Du côté du Conseil, les causes évoquées à l’origine du blocage sont multiples. La plus probable a trait aux lobbies, résolument contre l’idée de voir l’institution de gouvernance dotée de pouvoirs de plaidoyer jouer pleinement son rôle.

 

L’absence d’une réelle volonté politique ?

 

Il y a lieu de rappeler que la mise en place du Conseil de la concurrence a connu plusieurs phases. Lors de la révision des attributions, beaucoup de domaines ont échappé à l’institution de gouvernance créée en 2008, pour ne citer que les télécoms.

Interrogé par nos soins, Azeddine Akesbi, professeur d’économie et spécialiste des questions de gouvernance, regrette le sort réservé à l’entité institutionnelle. «Dès le départ, les pouvoirs publics n’ont jamais voulu d’un Conseil qui assure efficacement son rôle», assure-t-il. Et d’ajouter : «Après le militantisme qui a débouché sur un arsenal juridique plus favorable, est survenue la situation de gel, voire de congélation du fait de l’absence de nomination des membres qui est du ressort d’une pléthore d’institutions». A en croire notre interlocuteur, la seule interrogation qu’il y a lieu de poser est de savoir à qui profite la mise en sommeil des institutions de gouvernance du pays (Conseil de la concurrence, Instance centrale de prévention de la corruption).

Au demeurant, Akesbi ne manque pas d’évoquer certains cercles évoluant, entre autres, dans le domaine pétrolier qui profiteraient de l’état végétatif du Conseil de la concurrence. «Le consommateur marocain continue de payer le prix de l’essence à la pompe équivalent à celui-ci de l’époque où le prix du baril tournait autour de 90 et 100 dollars», s’offusque-t-il. De ce point de vue, l’évolution des prix pétroliers à l’international ne se répercuterait pas comme il se doit sur les prix à la pompe en cas de baisse.

De plus, l’existence d’un Conseil de concurrence qui jouerait pleinement son rôle serait de nature à tirer les prix des télécommunications à la baisse, et ce au grand bénéfice du consommateur.

En définitive, l’issue du gel précité est d’ordre politique et institutionnel. Au-delà des incantations, seule une véritable volonté politique et la restauration du rôle des institutions permettront la réactivation du Conseil créé depuis près d’une décennie. ■

 

M. Diao

 

 

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