Cimetières: pourquoi il faut une réforme de la politique publique en matière funéraire

Cimetières: pourquoi il faut une réforme de la politique publique en matière funéraire

Vide juridique et interférence entre les différents intervenants.

Absence de l’Etat pour la mobilisation du foncier qui est mis à disposition essentiellement par les bienfaiteurs.

 

Par C. Jaidani

Les cimetières au Maroc sont confrontés à de nombreux problèmes, notamment de sécurité, de gestion et surtout de saturation dans les grandes métropoles. En 2012, le ministère de l’Intérieur avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Un rapport de ce département affirmait que 75% des sites du Royaume sont dans un état catastrophique, 15% dans un état moyen et 10% seulement en bon état. Pour remédier à cette situation, le gouvernement avait annoncé en 2014 un budget de 700 MDH pour la réhabilitation de 1.250 cimetières.

Depuis cette date, aucun changement n’a été opéré. La situation s’est davantage dégradée sans pour autant que les autorités concernées ne prennent les dispositions qui s’imposent. Plusieurs voix de la société civile ou d’hommes politiques se sont élevées pour dénoncer ce manque d’intérêt des responsables. Interpellé à ce sujet, Ahmed Taoufik, ministre des Habous et des Affaires islamiques, a affirmé, dans le cadre des questions orales à la Chambre des représentants, que «la création et la gestion des cimetières sont confiées aux communes conformément à l’article 83 de la loi 113-14 relative à ces entités. Il existe un déficit important au niveau du foncier dédié à ces lieux, surtout dans les zones à forte concentration démographique. Selon nos estimations, le Maroc aurait besoin entre 80 et 100 hectares par an. Nous rencontrons beaucoup de difficultés pour trouver des parcelles, car la plupart des terrains sont à caractère privé. Pour les terrains publics, la procédure est compliquée. Heureusement que les bienfaiteurs sont très actifs dans ce domaine».

Le ministre précise qu’il «existe un vide juridique en matière de création et de gestion des cimetières, notamment avec la présence de plusieurs intervenants (Conseil de la ville, ministère de l’Intérieur, Agence urbaine, département des Habous) où les attributions de chacune des parties ne sont pas clairement définies. La législation actuelle est dépassée et nécessite une réforme».

Il faut noter que la problématique des cimetières se pose particulièrement dans les grandes villes comme Casablanca et Rabat. Les deux sites opérationnels pour le moment à Casablanca (Arrahma, d’une superficie de 90 ha, destiné à la partie sud de la ville, et Al Ghoufrane, 130 ha, pour la partie nord) sont sous pression avec près de 20.000 enterrements par an. Ils devraient être saturés d’ici quelques années. Dernièrement, un bienfaiteur a fait don de 130 ha à Sidi Hajjaj (préfecture de Médiouna). Le site permettra de réduire un tant soit peu la pression sur les cimetières de la métropole. Le Conseil de la ville devrait fixer un budget pour l’aménagement et l’équipement de ce site, notamment la construction d’un mur de clôture, de voirie et d’équipements sanitaires ainsi qu’une mosquée.

«Les conseils communaux donnent la priorité aux problématiques qui ont un lien direct avec le quotidien des citoyens, notamment le transport, la gestion des ordures ménagères, l’éclairage public, la distribution de l’eau et de l’électricité, la gestion des abattoirs et les marchés de gros. Quant à la création et la gestion des cimetières, elles sont marginalisées, et ce pour des considérations budgétaires et aussi électorales. Les autorités communales attendent que les bienfaiteurs prennent l’initiative au moment où le foncier public est épargné. Il est mobilisé pour d’autres secteurs à caractère économique ou commercial», affirme Hassan Marzak, secrétaire général de l’Association Al Anouar. «Outre la problématique du foncier, la gestion et l’organisation des cimetières se pose avec acuité. Actuellement, les sites les mieux entretenus sont supervisés par des associations à but non lucratif et financés par des bienfaiteurs et des fidèles. Les autres sont laissés à l’abandon, ce qui favorise le regroupement des SDF et autres malfaiteurs», conclut-il. 

 

 

 

 

 

 

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