L’activité économique s’intensifie petit à petit dans les pays importateurs de pétrole de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP), mais de façon progressive et inégale. Le Maroc, à l’instar des autres pays importateurs d’or noir, doit initier des réformes structurelles courageuses susceptibles d’imprimer une croissance durable, forte et inclusive.
Les pays exportateurs de pétrole broient du noir. La chute des cours du brut, sur fond de tensions géopolitiques, se traduit par de profondes séquelles économiques. Depuis mi-juin 2014, le prix du pétrole a fondu de 70% pour osciller autour de 40 dollars le baril. Conséquence : la manne financière issue de l’or noir tarit à vue d’oeil, avec en toile de fond des mesures d’austérité drastique pour tenter de résorber les déficits budgétaires.
Dans son dernier rapport sur les «Perspectives économiques régionales», mis à jour le 25 avril courant, le Fonds monétaire international indique ainsi que les pays exportateurs de pétrole de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP) ont vu leurs recettes d’exportation diminuer de 390 milliards de dollars en 2015 (17,5% du PIB). «Les amples excédents des pays du CCG et de l’Algérie ont cédé la place à d’importants déficits, qui, d’après les projections, devraient atteindre en moyenne 12,75% du PIB en 2016 et se maintenir à 7% à moyen terme, malgré la mise en oeuvre de vastes mesures de réduction des déficits», note par ailleurs le rapport.
Et il ne faut pas s’attendre à un changement radical de tendance, d’autant que les anticipations des marchés à terme font état d’un cours du baril à 50 dollars d’ici la fin de cette décennie. Tant et si bien que les experts parlent d’ores et déjà du début de l’ère post-pétrole.
Le malheur des uns…
Pendant que les uns tirent la gueule, les autres se frottent les mains. Les autres, ce sont les pays importateurs de pétrole, à l’image du Maroc. Mais jusqu’à quel point tirent-ils réellement profit de la chute des cours de l’or noir ? D’après le FMI, «l’activité économique commence à s’intensifier dans les pays importateurs de pétrole de la région MOANAP, mais de façon progressive et inégale». Ainsi, après un taux de 3% sur la période 2011-2014 et de 3,75% en 2015, la croissance moyenne devrait se maintenir aux alentours de 4% en 2016-2017.
Au Maroc, les prévisions les plus crédibles tablent sur un taux de croissance entre 1 et 1,5% en 2016. Un niveau trop faible pour générer suffisamment d’emplois et juguler un taux de chômage qui frise les 10%. Il faut dire que la baisse du pétrole, même si elle a un impact notable sur la facture énergétique du Royaume, ne reste qu’un élément conjoncturel favorable. A côté, il faut des réformes structurelles susceptibles d’imprimer une croissance durable, forte et inclusive, surtout pour une économie marocaine qui prête le flanc à des facteurs exogènes et endogènes. Le gouvernement marocain s’est engagé dans ce sens, à travers, entre autres, la réforme entamée du système de compensation qui a permis, un tant soit peu, de redresser les finances publiques. Les derniers chiffres publiés par la TGR relèvent une réduction des dépenses de compensation de 82,5%. Reste que, selon le FMI, les pays importateurs de pétrole de la région MOANAP doivent nécessairement initier de nouvelles mesures d’assainissement budgétaire «pour engager fermement la dette publique sur une trajectoire viable et reconstituer les marges de manoeuvre». «Dans certains cas, une plus grande flexibilité du taux de change permettrait aussi de réduire les vulnérabilités et d’améliorer la compétitivité», poursuit l’institution. Ces recommandations, voire injonctions (comme l’avancent certains), ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Car la réforme du système de retraite enclenchée par le Maroc, quand bien même elle bute encore sur l’opposition des syndicats, s’inscrit dans cette logique. De même, le passage au régime de change flexible est en bonne place dans l’agenda gouvernemental. «Le Maroc décidera de la manière et du timing précis pour passer au régime de change flexible en mai prochain, et ce en concertation avec le FMI», a récemment laissé entendre Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, dans une déclaration à Bloomberg.
Plus globalement, les réformes des subventions énergétiques et le repli des cours du pétrole ont contribué à réduire les déficits publics de la région à environ 6,5 % du PIB en 2016 contre un pic de 9,5% en 2013.
… Vigilance
Selon le FMI, d’importants risques baissiers pèsent sur les perspectives économiques des pays importateurs de pétrole de la région MOANAP. Ils tiennent aux perturbations sécuritaires et aux retombées des conflits régionaux. De même, l’affaiblissement de la croissance dans les pays du CCG pourrait freiner les envois de fonds, le tourisme, les exportations, l’investissement et l’aide financière publique. «Un fléchissement de la croissance dans la zone Euro ou dans les pays émergents aurait des effets similaires», note le FMI. D’où la nécessité de poursuivre l’assainissement des finances publiques.
David William