◆ Le taux de chômage devrait atteindre près de 15% en 2020.
◆ La crise est bien là, doublée d’une activité économique qui ne tourne pas à plein régime.
Par D. William
Le Maroc est-il à l’aube d’une crise sociale sans précédent ? On peut le craindre. Les prévisions économiques dont font état les conjoncturistes ne sont effet guère rassurantes. Dernières en date, celles du haut-commissariat au Plan (HCP) dont les projections sont très souvent assez proches des réalisations.
Sauf que, pour cette fois, la situation est très particulière, au regard notamment des nombreuses incertitudes qui risquent de fausser même les prévisions les plus réalistes. Dans sa dernière livraison, le HCP estime ainsi que «le produit intérieur brut devrait, compte tenu d’une baisse prévue de 9% des impôts et taxes sur produits nets de subventions, enregistrer une décroissance de 5,8% en 2020 au lieu d’une progression de 2,5% enregistrée en 2019».
Dans ce contexte de détérioration de la croissance économique et, sous l’hypothèse d’une poursuite de la baisse tendancielle du taux d’activité au niveau national, le taux de chômage devrait atteindre près de 14,8%, soit une hausse de 5,6 points par rapport au niveau enregistré en 2019, prévoit le HCP.
En conséquence, le déficit budgétaire devrait s’accentuer en 2020 pour atteindre près de 7,4% du PIB, dépassant largement le niveau atteint en moyenne annuelle entre les années 2011 et 2013, soit 6,1% du PIB.
Tensions sociales
La hausse drastique du taux de chômage augure de fortes tensions sociales. Le taux de chômage, qui oscillait avant cette crise entre 9 et 10%, était déjà problématique en raison d’une croissance molle et irrégulière qui ne permet pas d’absorber tous les jeunes qui se présentent sur le marché du travail chaque année.
Avec la crise liée au coronavirus et une récession qui s’annonce sévère, c’est peu dire que la situation sociale va être explosive. Mais l’on pouvait s’y attendre. La Covid-19 a mis des centaines de milliers d’entreprises en difficulté.
Déjà, fin avril, l’enquête réalisée par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) révélait que 815 entreprises interrogées (sur 1.740) avaient vu leur activité, pendant les trois premiers mois, baisser de plus de 50%, et 301 entreprises déclaraient une baisse entre 30% et 50%. De même, les entreprises sondées craignaient la perte de 165.586 emplois, soit 55% de leurs effectifs.
Cette crainte est partagée par de nombreux économistes, compte tenu notamment de la sous-capitalisation et de la fragilité des PME marocaines, au demeurant confirmées par les derniers chiffres officiels disponibles qui révèlent que 134.000 entreprises (sur 216.000 affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale) au Maroc sont en difficulté, avec pour conséquence 900.000 salariés en arrêt de travail temporaire au mois d’avril.
Si l’économiste Mehdi Lahlou écarte la perspective d’un «chômage de masse pour l’année 2020 au Maroc», il estime néanmoins qu’«il faudra s’attendre à une explosion du taux du sous-emploi, communément appelé chômage déguisé». De son côté, Coface anticipe une hausse des défaillances d’entreprises dans le monde de 25%.
«Malgré toutes les procédures mises en place par l’Etat, le Maroc n’échappera malheureusement pas à cela du fait du triple choc entraîné par la crise, notamment sur l'offre et la demande», avertit Mehdi Arifi, Directeur général assurance-crédit chez Coface Maroc (www.fnh.ma).
Alors que la plupart des mesures prises par le Comité de veille économique ont pris fin au 30 juin, l’on se demande si l’Etat ne devrait pas faire des efforts supplémentaires. Car la crise est bien là, doublée d’une activité économique qui ne tourne pas à plein régime, à cause notamment du coronavirus qui circule encore.
Ce qui risque d’ailleurs de bouleverser des prévisions qui n’étaient déjà pas du tout optimistes. Surtout qu’au déconfinement, se succèdent des confinements localisés qui continuent de perturber la machine économique. On en a pour preuve la ville de Tanger, poumon économique de la Région du Nord, dont certains quartiers viennent d’être remis sous cloche après l’apparition de nouveaux foyers épidémiques.