Le Royaume a compris très tôt que la richesse d’une nation ne se mesure pas seulement à ses infrastructures, mais à la qualité de ses citoyens et à leur créativité.
Par Désy M.
Le capital immatériel constitue la véritable richesse des nations», déclarait le Roi Mohammed VI dans son discours du Trône de 2014. Onze ans plus tard, cette vision prend tout son sens à la lumière du développement industriel du Royaume, illustré par l’implantation de grands groupes industriels internationaux tels que Stellantis, Boeing, Siemens Energy, et récemment l’inauguration par le Souverain du complexe industriel de moteurs d’avions du Groupe Safran à Nouaceur.
Dans un mémorandum économique de la Banque mondiale intitulé «Le Maroc à l’horizon 2024 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique», il est écrit qu’«il est infiniment plus simple et rapide de construire une autoroute, une centrale électrique ou une usine automobile. Mais sur le long terme, c’est le capital humain qui constitue le principal atout concurrentiel d’un pays». Et le Maroc a compris très tôt cette vérité.
D’un investissement colossal de 3,4 Mds de DH, le projet de Safran incarne cette équation gagnante. En effet, lorsque ce groupe, géant mondial de l’aéronautique, choisit d’implanter à Nouaceur un complexe industriel de nouvelle génération, ce n’est pas un simple pari sur la localisation ou les avantages fiscaux du Maroc. C’est avant tout un acte de confiance envers le capital humain du pays, devenu l’un des leviers stratégiques de son attractivité.
Le groupe y a trouvé un environnement industriel performant et, surtout, un vivier de compétences locales capables de rivaliser avec les standards les plus exigeants du secteur aérien. Pour preuve, Olivier Andriès, PDG du Groupe Safran, a vanté les atouts du Royaume, qu’il décrit comme «plein de talents et en pleine dynamique industrielle». Il a salué l’excellence des écoles d’ingénieurs dans lesquelles on trouve des «talents extraordinaires, engagés et au meilleur niveau de performance opérationnelle».
Le capital humain marocain, autrefois perçu comme une ressource à former, est désormais une valeur à défendre. La stratégie marocaine a donc consisté à former avant d’attirer. Dans les halls d’assemblage comme dans les ateliers de maintenance, le savoir-faire marocain est désormais reconnu. L’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) forme chaque année des techniciens et ingénieurs hautement qualifiés. L’OFPPT, de son côté, a multiplié les filières spécialisées dans les composites, la mécanique de précision et les procédés industriels.
Cette montée en compétences ne s’est pas limitée à la base. Des partenariats entre universités, centres de recherche et entreprises ont permis d’introduire la R&D dans l’équation industrielle. Ce glissement vers des activités à forte valeur ajoutée, où l’ingénierie et la maintenance avancée côtoient désormais la production, confirme l’évolution structurelle du modèle marocain. Cette reconnaissance confirme a priori que le Maroc n’en est plus à ses balbutiements dans ce secteur.
En l’espace de deux décennies, il a bâti un écosystème aéronautique robuste, avec un taux d’intégration locale dépassant les 40%, rassemblant plus de 150 entreprises et exportant pour plus de 25 milliards de dirhams en 2024. À travers le développement de zones industrielles intégrées comme Midparc, et grâce à des politiques volontaristes de formation, le Royaume a su aligner son offre de compétences sur les besoins pointus des donneurs d’ordre internationaux.
Vers un leadership industriel local
Aujourd’hui, l’objectif poursuivi est de capitaliser davantage sur ces investissements, de sorte qu’ils permettent au Maroc de bâtir une véritable économie du savoir et ne plus être seulement un site d’assemblage. Pour Youssef Guerraoui, président du Centre marocain pour la gouvernance et le management, l’enjeu dépasse l’attraction d’investisseurs. «Il s’agit désormais de transformer ces projets en véritables moteurs de transfert de savoir-faire. Le plus important pour le Maroc, c’est de hausser la compétence de ses ressources humaines. Ces investissements doivent profiter aux ingénieurs et techniciens marocains à travers des contrats de transfert de compétences, notamment dans les métiers de la réparation, de la fabrication et de l’entretien des moteurs d’avion», insiste-t-il.
Autrement dit, l’industrie ne doit pas se limiter à employer la maind’œuvre locale; elle doit l’élever. Les partenariats entre les entreprises étrangères et les écoles marocaines doivent être pensés dans une logique gagnant-gagnant. L’investisseur y trouve compétitivité et stabilité, tandis que le Maroc renforce son autonomie technologique. Cette approche, déjà visible dans l’écosystème automobile et aéronautique, est appelée à s’étendre vers les secteurs de l’intelligence artificielle, de l’économie numérique et des énergies propres, autant de domaines où le Royaume veut se positionner comme hub régional.