Banques de développement : La Banque mondiale et la BAD à couteaux tirés

Banques de développement : La Banque mondiale et la BAD à couteaux tirés

 

Le président de la Banque mondiale a reproché à la BAD et la BERD leur tendance à prêter trop rapidement aux Etats et à aggraver le problème de la dette des pays.

En arrière-plan de cette déclaration, une concurrence larvée entre les banques de développement. Explications.

 

Par A.E
 

La polémique fait les gros titres de la presse spécialisée, notamment subsaharienne : la sortie du président de la Banque mondiale, David Malpass, critiquant les banques multilatérales de développement, a visiblement du mal à passer auprès des équipes de la Banque africaine de développement (BAD).

Malpass avait reproché, lors d’une conférence à Washington, aux institutions comme la BAD, la Banque asiatique de développement ou encore la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), leur «tendance à prêter trop rapidement aux Etats et à aggraver le problème de la dette des pays».

La BAD n’a pas tardé à réagir à cette accusation. Par la voix d’un communiqué, l’institution présidée par Akinwumi Adesina a qualifié les propos du président de la Banque mondiale «d’inexacts et non fondés sur des faits».

Selon la BAD, la déclaration du président de la Banque mondiale «met en cause l'intégrité de la Banque africaine de développement, sape nos systèmes de gouvernance et insinue à tort que nous fonctionnons selon des normes différentes de la Banque mondiale».

La banque panafricaine s’inscrit également en faux concernant la question de la transparence. «Nous maintenons un niveau de transparence mondial très élevé. Dans le rapport 2018 Publish What You Fund, notre institution a été classée 4ème institution la plus transparente au monde».

 

La chasse aux bons clients

Cette passe d’armes pour le moins inhabituelle dans l’univers feutré et très policé des institutions multilatérales a de quoi surprendre. Mais pour qui est familier avec le monde des banques de développement, une telle polémique n’a rien de surprenant, dans la mesure où ces institutions se livrent, en réalité, une concurrence féroce.

«La concurrence entre les banques de développement se fait à deux niveaux», nous explique une source bien informée.

«D’une part, la concurrence se fait sur le client (l’Etat qui recevra le prêt de l’institution). Il y a une grande compétition pour prêter des fonds à des bons clients. Pour les banques de développement, un bon client c’est principalement un Etat solvable et qui dispose de recettes en devises, comme le Nigéria», explique notre interlocuteur. D’autre part, poursuit-il, la concurrence se fait sur la capacité à attirer les grands donateurs de l’aide au développement. Les banques de développement doivent en effet avoir la capacité de placer et d’implémenter les fonds recueillis dans des  investissements intéressants.

Si David Malpass a jugé utile de critiquer la politique de financement des banques régionales de développement, c’est justement parce que celles-ci prennent le pas sur l’institution de Bretton Woods sur les deux aspects cités auparavant.

«La Banque mondiale a des process de financement très long qui peuvent parfois durer plusieurs mois, et se fait damer le pion par les banques de développement qui, elles, sont beaucoup plus rapides. C’est le cas notamment de la BERD qui est particulièrement agile», fait savoir notre source. D’où la montée au créneau du président de la Banque mondiale.

 

Rentabilité des placements

Pour bien comprendre la sortie du président de la Banque mondiale, il faut par ailleurs garder à l’esprit la manière dont est structurée l’institution, en deux branches distinctes mais complémentaires : d’une part, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) qui octroie des prêts aux pays à revenu intermédiaire et aux pays pauvres solvables et, d’autre part, l’Association internationale de développement (ADI) qui se consacre aux pays les plus pauvres et prête des fonds à des conditions concessionnelles (taux d’intérêt très faibles, dons, remboursement étalés sur plusieurs décennies, etc.).

«Les prêts de l’ADI ne sont pas rentables», nous explique notre interlocuteur, «en revanche ceux de la BIRD doivent l’être». La BIRD tire ainsi un revenu annuel du rendement de ses fonds propres et de la marge qu'elle réalise sur les prêts consentis. Ces revenus permettent de couvrir les frais de fonctionnement de la Banque mondiale (BIRD et ADI), de renflouer les réserves de l'institution afin de renforcer sa position de bilan et d'assurer un transfert de ressources annuel au profit de l’ADI. En d’autres termes, les rendements des crédits de la BIRD sont essentiels à l’équilibre financier de la Banque mondiale et sa capacité à réinjecter des fonds dans l’aide au développement. ◆

 

 

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