Politique monétaire: 2022, année de revirement dans la stratégie de Bank Al-Maghrib

Politique monétaire: 2022, année de revirement dans la stratégie de Bank Al-Maghrib

La Banque centrale a relevé à deux reprises son taux directeur cette année pour mater une infl ation coriace. 2022 fut une année de hausse du coût de la vie au Maroc. L’infl ation culmine à plus de 8% depuis l’été et les risques d’une poursuite de cette tendance sont bien rééls.

Bank Al-Maghrib a décidé d’entamer en septembre un virage restrictif dans la conduite de sa politique monétaire, en rupture avec sa politique ultra-accommodante enclenchée durant la crise sanitaire et en phase, bien qu’en retard, avec les autres Banques centrales dans le monde. Une première hausse de 50 pbs a donc été actée à l’époque. Ce fut la première hausse depuis 2008. Qui plus est, elle porte sur 50 points de base.

En conférence de presse post-Conseil, Abdellatif Jouahri, Wali BAM, concéda que les discussions au sein du Conseil portaient sur le choix entre 50 et 75 points de base, ce qui a nourri un consensus autour de 25 à 50 points de base pour décembre, ce qui s’est finalement vérifié trois mois plus tard. Nous nous retrouvons donc avec un sursaut de 100 pbs en l’espace de 3 mois. Sursaut que le Wali qualifie de significatif, bien que les effets de la hausse de septembre ne soient pas encore perceptibles dans les indicateurs économiques et enquêtes (enquête sur les taux débiteurs, etc.).

 

Revirement de situation

Un peu plus tôt dans l’année, en juin dernier, le Wali de Bank Al-Maghrib expliquait clairement que le caractère importé de l’inflation ne demandait pas de réponse monétaire de la Banque centrale. Trois mois plus tard, la donne avait donc changé. «La conjoncture internationale reste marquée profondément par les séquelles de la pandémie et les implications de la guerre en Ukraine, à travers notamment la persistance du renchérissement des produits énergétiques et alimentaires, ainsi que des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Ces évolutions poussent l’inflation vers des niveaux exceptionnellement élevés», a relevé le Conseil de septembre. Et d’ajouter : «L’inflation continue d’être alimentée par des pressions d’origine externes, mais les dernières données disponibles montrent une large diffusion vers les prix des produits non échangeables». Et Abdellatif Jouahri d’expliquer encore plus la décision de BAM en s’appuyant sur des chiffres : «La diffusion de la hausse de l’inflation s’élargit.

Sur les 116 sections de produits et services qui composent le panier de l’indice des prix à la consommation, 60,3% ont connu une augmentation de plus de 2% en août contre 42,2% en janvier et 23% en moyenne entre 2018 et 2019»,  a-t-il précisé. Outre la diffusion de l’inflation aux produits non échangeables, la Banque centrale souhaite envoyer un signal aux opérateurs, en ancrant leurs anticipations d’inflation. En d’autres termes, en cassant la spirale des anticipations auto-alimentées; ces mêmes arguments ont été mis en avant en décembre.

 

Chronologie des événements
En mars dernier, alors que les autres Banques centrales sont rentrées dans des cycles restrictifs, BAM a décidé de maintenir le taux directeur à son niveau de 1,5% pour continuer à soutenir l’activité économique et atténuer l’impact de l’environnement international défavorable, tout en prenant en compte le retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023. Trois mois plus tard, BAM a décidé à nouveau de maintenir le taux directeur à son niveau de 1,5%, avec une prise en compte de la nature des pressions inflationnistes, essentiellement d’origine externes, et du retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023. En septembre, le Conseil décide de relever le taux directeur de 50 pbs à 2%, pour prévenir tout désancrage des anticipations d’inflation et assurer les conditions d’un retour rapide à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix.

 

Inflation : C’est pas fini !

L’inflation va devoir continuer à enregistrer des taux élevés pour une période bien plus longue que prévu en septembre, impactée notamment par les pressions externes qui se diffusent aux biens et services non échangeables et par la mise en œuvre de la réforme du système de compensation à partir de 2024. Cet extrait du communiqué de décembre de la Banque centrale montre que nous sommes loin d’en finir avec l’inflation. Pourtant, les prix des matières premières et le Dollar n’ont fait que corriger depuis septembre. Une correction que le Wali de Bank Al-Maghrib voit bien. Mais, selon lui, même si les prix des produits énergétiques vont poursuivre à moyen terme leur repli enregistré ces derniers mois, ils continueront d’évoluer à des niveaux élevés. Dans ces conditions, l’inflation enregistre au niveau mondial une certaine décélération globalement, mais continue d’évoluer à un rythme soutenu.

 

Fin de la décompensation et explosion des prix en 2024 ?

«Nos prévisions font ressortir que l’inflation passerait à 6,6% en 2022, avant de revenir à 3,9% en 2023. Il s’agit d’un taux qui dépasse toujours l’objectif de stabilité des prix», a dit le Wali, laissant entendre qu’il faudra continuer à combattre ce phénomène à moyen terme. Et la tâche ne s’annonce pas facile avec la perspective de la décompensation à partir de 2024. Une réforme qui devrait s’étaler sur 2 ans, qui n’attendait que l’opérationnalisation du registre social unifié actuellement en phase de test et qui est désormais intégrée dans le scénario central de BAM. Cette décompensation devrait redonner un coup de fouet à l’inflation à partir de 2024. «En 2024, les tarifs réglementés enregistreraient une forte progression de 12,9%, avec le démarrage programmé de la décompensation des prix du gaz butane et du sucre», a indiqué le Wali. Parallèlement, le reste du monde devrait revenir à des niveaux d’inflation plus normatifs en 2024.

 

Croissance atone

La croissance économique marquerait, elle, selon les projections actualisées de Bank Al-Maghrib, un net ralentissement cette année à 1,1%, résultat d’un recul de 15% de la valeur ajoutée agricole et d’une décélération à 3,4% du rythme des activités non agricoles. En 2023, elle accélérerait à 3%, portée par la hausse de 7% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne, alors que la croissance des activités non agricoles ralentit à 2,4%, pâtissant en particulier de la détérioration de l’environnement externe. En 2024, la croissance se situerait à 3,2%, recouvrant des accroissements de 1,8% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’une production agricole moyenne, et de 3,5% de celle des activités non agricoles.

 

 

 

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