Cette année marque près de 50 ans de partenariat stratégique entre la Banque africaine de développement (BAD) et le Maroc qui au passage, demeure son quatrième actionnaire souscripteur. La profondeur de cette collaboration a davantage été mise en lumière lors d’une récente manifestation organisée à Rabat portant sur les perspectives du Maroc et la transformation de l’Afrique. Ce rendez-vous haut en couleurs qui a débouché sur l’octroi d’un prêt de 100 millions d’euros au Maroc, a vu les participations d’Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement, Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances, Jacob Kolster, directeur pour la région Afrique du Nord à la BAD et bien d’autres personnalités. Cela dit, force est de constater que la coopération financière entre la BAD et le Maroc relève de l’ordre de l’évidence puisque les domaines érigés comme axes prioritaires de l’institution financière pour la transformation du continent, constituent aussi des points cruciaux pour le Maroc. Il s’agit entre autres, de l’accès à l’eau potable et à l’électricité, de la promotion de la croissance verte, du renforcement des capacités des femmes, de la promotion de la bonne gouvernance, etc. A noter que la BAD qui dispose d’un portefeuille de 2,3 milliards de dollars au Maroc et dont le financement total dans le pays avoisine les 9 milliards de dollars, reste fortement impliquée dans le financement du projet d’énergie solaire de Ouarzazate. Au-delà du Maroc, il était aussi question pour Vincent Castel, économiste pays en chef à la BAD, de brosser les défis majeurs à relever pour la transformation de l’Afrique du Nord dans l’optique de tendre vers une croissance inclusive qui profiterait à tous.
Les principaux défis
En se basant sur l’indice de la croissance inclusive qui prend en compte une kyrielle de paramètres (développement humain, croissance, capacité des femmes, etc.), l’économiste pays en chef à la BAD a fait remarquer lors de son intervention que la croissance au Maghreb a de plus en plus tendance à profiter à une population plus large en Afrique du Nord. Le bémol est que les jeunes sont les laissés-pour-compte en termes d’emploi. Seule une jeune femme sur quinze en âge de travailler est en poste. A cela, il faudrait ajouter l’inadéquation entre la demande et l’offre d’emploi sans compter la fébrilité du système de protection sociale et la prédominance de l’informel. Toutefois, Vincent Castel a précisé que le Maroc arrive tant bien que mal à tirer son épingle du jeu malgré cette configuration prévalant en Afrique du Nord. Face aux enjeux de taille précités, Abdelilah Benkirane n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. «La BAD fait beaucoup pour le Maroc mais, elle doit faire plus», martèle-t-il. Et de renchérir : «Les besoins grandissants du Maroc pour financer son développement et celui des pays africains frères où il investit, devraient conduire l’institution financière du continent à bousculer ses règles pour amplifier son concours financier apporté au Royaume». Cet appel à peine voilé est légitimé par le constant dressé par Abdelghni Lakhdar, conseiller du Chef du gouvernement. Lors de son allocution, celui-ci a tenu à rappeler les principaux freins à la croissance au Maroc. Il s’agit entre autres, de la faible capacité d’innovation et du problème de compétence du capital humain. A ses yeux, la lenteur du système judiciaire, la pression fiscale jugée élevée par les entrepreneurs et l’inadéquation du foncier industriel ainsi que son inaccessibilité, sont autant de contraintes pour la redynamisation de l’activité économique et la sérénité du climat des affaires. Il estime enfin que les seules réformes macroéconomiques ne suffiront pas à transformer l’économie marocaine pour la rendre plus prospère et l’arrimer à des activités à haute valeur ajoutée. Cela dit, le Chef du gouvernement a fait un plaidoyer pour la classe marocaine la plus défavorisée socialement, estimant que les efforts doivent être syndiqués pour venir en aide à cette catégorie. A ce titre, la BAD est un partenaire-clef sur lequel le Maroc pourra compter les années à venir.
En effet, l’institution financière voit sa capacité financière augmenter d’année en année. Son capital de départ qui ne dépassait guère 250 millions de dollars dans les années 60 est pour l’heure estimé à 200 milliards de dollars. L’institution bénéficie en outre de la notation du triple A sur les marchés internationaux. Sa dette subordonnée n’est pas moins cotée puisqu’elle jouit aussi de la notation AA.
Momar Diao