Multiplicité des régimes et des tutelles, cherté et rareté, sont autant de qualificatifs affublés au foncier au Maroc. Face à ces contraintes majeures pénalisant l’investissement des opérateurs privés, l’Etat a décidé de prendre les devants en organisant des Assises du foncier, qui devraient se tenir la semaine prochaine à Skhirat. Du reste, la question à se poser est celle de savoir si cet événement sera à la hauteur des attentes des acteurs-clefs de l’acte de bâtir et d’investir.
Tout le monde s’ac-corde à dire que le foncier constitue l’un des principaux déter-minants de l’investissement au Maroc. Et pourtant, d’après le dernier diagnostic de crois-sance élaboré par la Banque africaine de développement (BAD) portant sur l’analyse des contraintes à une croissance large et inclusive, le régime foncier du pays est pénalisé par une palette d’obstacles. De ce point de vue, force est de constater que les Assises du foncier, qui se dérouleront la semaine prochaine à Skhirat (8 et 9 décembre 2015) tombent à point nommé. Outre la cherté dénoncée de façon récurrente par les opérateurs, le foncier affiche une excessive diver-sité de statuts, de régimes et de tutelles lui conférant une extrême complexité. A titre illustratif, le domaine public de l’Etat est essentiellement sous la tutelle du ministère de l’Equipement, les terrains «Guich», sous tutelle du minis-tère de l’Intérieur et le domaine privé de l’Etat, sous tutelle de la Direction des domaines de l’Etat (ministère de l’Eco-nomie et des Finances. A l’évidence, cette liste est loin d’être exhaustive en raison de la multiplicité des terrains et des tutelles. Si Mohamed Iqbal Kettani, Directeur géné-raldélégué de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), salue la tenue des Assises du foncier, il émet toutefois un bémol. «Nous aurions aimé être impli-qués davantage à l’organisa-tion de cet événement majeur d’autant qu’il ne se tient pas chaque année», déplore-t-il dans la foulée. Et pourtant, ce sont bien les opérateurs immo-biliers et les investisseurs qui sont les principaux utilisateurs du foncier.
L’événement sera-t-il à la hauteur des attentes ?
Du côté de la FNPI, l’impor-tant est d’être édifié davan-tage sur la politique foncière au Maroc. Mohamed Iqbal Kettani a, par ailleurs, confié la nécessité de mettre en place un code foncier au Maroc à l’issue de cet événement. Un tel document devrait comporter l’ensemble des textes inhé-rents au domaine foncier du pays. L’identification du fon-cier public mobilisable pour les opérations de logement, notamment pour les classes moyennes, constitue aux yeux des professionnels un point crucial. D’où la pertinence d’initier des études portant sur cette identification. Par ailleurs, cet événement est d’autant plus important que l’objectif recherché est d’améliorer les conditions d’investissement en particulier dans le domaine de l’immobilier. «Il est impératif que les recommandations et les décisions prises lors des Assises soient suivies d’un plan d’action concret. Ce qui suppose l’implication et l’asso-ciation des acteurs-clefs dans l’acte de bâtir et d’investir», assure le Directeur général-délégué de la FNPI.
Des contraintes toujours persistantes
Comme cela été mentionné plus haut, le foncier au Maroc se singularise par sa cherté, notamment au niveau des grandes villes. «Ce coût pro-hibitif est à relier à la rareté engendrée par une part impor-tante du foncier non-assaini, à la faible mobilisation de l’as-siette foncière et à la multipli-cité des régimes», fait remar-quer Kettani. Cette situation fait que la classe moyenne, qui ne peut pas habiter en dehors des villes abritant les pôles d’activités, trouve de plus en plus de difficultés à se loger. Les professionnels restent convaincus que le manque d’assainissement du foncier constitue l’un des plus grands obstacles à l’essor des logements destinés à la classe moyenne. La même probléma-tique se pose aussi pour les entreprises. Une enquête de la Banque mondiale de 2007, reprise dans le diagnostic de la croissance au Maroc élaboré par la BAD (2015), montre que 40% des entreprises maro-caines considèrent l’accès au foncier comme un obstacle sévère. De là, il est clair que les Assises doivent accorder une place de choix à la ques-tion du coût du foncier au Maroc. Par ailleurs, à en croire, le Directeur général-délégué de la FNPI, les investisseurs nationaux et internationaux accordent un intérêt capital à la visibilité et à la disponibilité du foncier. La transparence pour son attribution et la sim-plification des relations avec l’administration foncière sont autant d’éléments importants à leurs yeux. Cela dit, les Assises du foncier devraient aussi être l’occasion d’aborder le volet de la fiscalité inhérente aux opérations foncières. A ce titre, il est utile de rap-peler que la taxe sur le pro-fit immobilier est passée de 20 à 30%. D’après, Kettani, cette hausse a sensiblement pénalisé les investissements immobiliers dans le foncier. En définitive, au regard des différents facteurs pénalisants susmentionnés, il n’est pas hasardeux d’affirmer que du chemin reste à faire pour éri-ger le foncier en un levier de développement économique au Maroc. Peut-être que les Assises contribueront-elles à enrayer les multiples obstacles décriés par tous.
Momar Diao