Agroalimentaire: «Le secteur contribue à hauteur de 26% au PIB industriel»

Agroalimentaire: «Le secteur contribue à hauteur de 26% au PIB industriel»

L’agroalimentaire regroupe plus de 2.000 entreprises, soit 27% de l’ensemble des unités industrielles, et emploie près de 160.000 personnes, c’est-à-dire environ 20% de l’effectif industriel global.

La filière est dotée d’une infrastructure d’accueil de qualité, notamment avec la création d’agropoles dans les principales régions à vocation agricole et d’une logistique de plus en plus performante.

Un état des lieux des plus positifs laisse présager un très bel avenir pour le secteur.

Entretien avec Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce.

 

 

Finances News Hebdo : Aujourd’hui, quel est le poids de l’industrie agroalimentaire dans le tissu industriel du Maroc et au niveau des exportations nationales ?

Ryad Mezzour : Historique et stratégique, je peux vous assurer qu’il pèse lourd, très lourd  ! Le secteur de l’industrie agroalimentaire revêt une importance de premier ordre dans le tissu industriel national. C’est un maillon fort du développement socioéconomique du Maroc depuis des décennies et son rôle vital dans la préservation de la sécurité et de la souveraineté alimentaires du Royaume a bien été attesté pendant la crise sanitaire. En réponse à la riposte nationale à la Covid-19, les opérateurs du secteur se sont mobilisés pour faire face aux bouleversements de la demande et des chaînes d’approvisionnement et de distribution. Ils ont réussi à assurer un approvisionnement régulier et normal du marché national en produits alimentaires dans toutes les régions du Maroc et dans des conditions sanitaires optimales, conformément aux Hautes instructions Royales. Le rôle du secteur dans la sécurité alimentaire, mais aussi industrielle, se révèle également à travers la grande dynamique qu’il connait au niveau de l’intégration entre l’amont productif et l’aval de transformation. Dans plusieurs filières agroalimentaires, les projets innovants, financés par des capitaux marocains et contribuant à la valorisation et à la diversification du produit fabriqué localement, connaissent un véritable boom  ! Et cette dynamique est génératrice de richesses au niveau régional et d’emplois stables et contribue amplement à l’équilibrage de la balance commerciale. En chiffres, ce secteur contribue à hauteur de 26% au PIB industriel, regroupe plus de 2.000 entreprises, soit 27% de l’ensemble des unités industrielles et emploie près de 160.000 personnes, c’est-à-dire environ 20% de l’effectif industriel global. Pour ce qui est de son chiffre d’affaires, il se situe à près de 158 milliards de DH (MMDH) et ses exportations, elles, ont atteint 36,4 MMDH en 2021. C’est un secteur dynamique qui a énormément évolué sur les dix dernières années des principales grandeurs macroéconomiques et poursuit, aujourd’hui, son chemin de développement vers des perspectives très prometteuses.

 

F. N. H. : Selon vous, quels sont les principaux atouts et enjeux de cette branche industrielle ?

R. M. : Je rebondis sur ce que je viens de dire  : le secteur s’ouvre sur de nouvelles perspectives parce que, d’une part, sa résilience en temps de crise lui a donné plus de force, et d’autre part, les mutations que connait l’industrie marocaine face aux enjeux mondiaux lui offrent l’opportunité d’exploiter son énorme potentiel, de découvrir de nouvelles niches, d’en créer d’autres, pourquoi pas, et de booster sa créativité et son innovation. Les atouts de l’industrie agroalimentaire locale sont innombrables, à commencer par le positionnement géographique et l’accès préférentiel à certains marchés dans le cadre des accords de libre-échange signés par le Maroc avec l’Union européenne, les Etats-Unis, ainsi que plusieurs pays arabes et j’en passe… Elle dispose d’un savoirfaire ancestral et d’une maind’œuvre qualifiée et compétitive qui lui ont permis de tisser une renommée mondiale. Elle est également dotée d’une infrastructure d’accueil de qualité, notamment avec la création d’agropoles dans les principales régions à vocation agricole et d’une logistique de plus en plus performante, surtout avec les nouveaux chantiers structurants que connaît notre pays, comme l’élargissement du réseau autoroutier, le port Tanger Med ou encore les plateformes logistiques et l’aménagement de zones industrielles aux standards internationaux. Parmi les atouts, j’ajouterais aussi que le secteur a bénéficié de plusieurs réformes tout au long des stratégies sectorielles dont il a fait l’objet, et dispose de gros potentiels qui ne sont pas encore exploités, notamment en matières premières halieutiques et agricoles, entre autres. Forts de ses atouts, le secteur capitalise sur ses acquis et sur sa très bonne dynamique pour aller de l’avant, faire plus et mieux. La maturité à laquelle est arrivé le secteur lui permet désormais d’affronter les enjeux, quelle qu’en soit la nature.

Dans l’intégration des chaînes de valeur visant une meilleure valorisation/transformation des ressources locales et la création de plus de valeur ajoutée, les opérateurs ont d’ores et déjà marqué leur excellence dans plusieurs filières grâce à de nouveaux produits très compétitifs au plan mondial. Autre enjeu des plus importants et essentiels  : le développement du capital humain. Le ministère et les professionnels du secteur en font un chantier commun sur lequel nous travaillons depuis des années, au fur et à mesure du développement des écosystèmes. L’objectif étant de disposer d’une formation adaptée aux besoins des industriels et aux évolutions technologiques et tendances mondiales du secteur. La compétitivité n’est pas une course dans laquelle on se lance simplement, c’est une stratégie avec des cibles claires à atteindre. En plus de ceux que j’ai cités, j’ajoute le développement durable par l’adoption de démarches écoresponsables, la décarbonation et l’économie circulaire. Nos industriels sont tous capables d’y parvenir et nous restons à leurs côtés pour les accompagner et les soutenir. Aujourd’hui, être compétitif n’est plus un choix à faire quand on veut s’imposer dans le marché local et à l’export; c’est un passage obligé pour affronter et détrôner la concurrence des produits étrangers. C’est un travail de longue haleine qui exige des performances au continu parce que la courbe de la qualité est en croissance constante. Le consommateur marocain en est le premier indicateur  : il est de plus en plus exigeant et n’achète un produit que lorsqu’il est convaincu de sa qualité. Alors, convainquons-le !

 

F. N. H. : Comment votre ministère soutient-il l’industrie agroalimentaire ?

R. M. : Il faut d’abord souligner que l’importance du secteur lui a valu d’être au cœur de stratégies nationales ambitieuses et de visions claires mises en œuvre sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’Assiste. Dans le cadre du Plan d’accélération industrielle (PAI), le secteur a réussi à drainer plus de 91.058 nouveaux emplois sur la période allant de 2014 à 2020, devenant ainsi parmi les principaux pourvoyeurs d’emplois industriels. Quant à ses exportations, elles ont connu une croissance de plus de 40% durant cette période, passant de 23,4 MMDH en 2014 à 32,8 MMDH en 2020. Et pour plus de synergie et de meilleurs résultats, le ministère de l’Industrie et du Commerce a noué un partenariat fort avec le Département de l’agriculture et les opérateurs privés afin de doter le secteur d’une vision stratégique commune et partagée permettant de mettre en œuvre une stratégie industrielle et agricole à la fois.

Après la signature, en 2014, d’un mémorandum d’entente devant le Souverain, visant à élaborer une feuille de route stratégique du secteur, le contrat-programme pour le développement des industries agroalimentaires a été mis en œuvre. Son but principal a été de doper la compétitivité du secteur par la modernisation de ses outils de production. Ainsi, ce contrat-programme s’est fixé pour objectifs de renforcer l’intégration entre l’amont productif et l’aval de transformation, développer de nouveaux produits à forte valeur ajoutée et promouvoir les exportations sur les marchés traditionnels, mais aussi vers de nouveaux marchés à forte croissance. A cela s’ajoute la priorité accordée, dans le même cadre, à la stimulation de l’investissement privé et surtout son orientation vers des produits plus porteurs, à l’ère du temps sur les marchés internationaux. Des investissements à même de générer plus d’emplois stables pour nos jeunes. Ce contrat-programme a donc tracé les lignes balisées d’une feuille de route composée de mesures spécifiques aux 7 industries agroalimentaires clés identifiés, à savoir la valorisation des fruits et légumes frais, des fruits et légumes transformés, l’huile d’olive, l’industrie laitière, l’industrie des viandes, la biscuiterie-chocolaterie-confiserie et les pâtes et couscous.

Ces mesures portent notamment sur des primes à l’investissement, le soutien à l’exportation, ainsi que sur l’appui à la commercialisation. D’autres mesures transverses, communes à l’ensemble du secteur, ont également été mises en œuvre. Elles concernent l’accélération de l’innovation, la qualification des ressources humaines, la mise à niveau des canaux de distribution traditionnels, l’appui à la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI) et au Centre technique des industries agroalimentaires (CETIA). Par ailleurs, le ministère a lancé, dans le cadre du dispositif de déploiement de son Plan de relance industrielle, une banque de projets à laquelle il a assigné le rôle de levier d’accélération de l’investissement industriel, du développement de la fabrication locale et de la promotion de l’entrepreneuriat. Depuis son lancement en septembre 2020, cette banque de projets a évolué vers la mise en place de la «Task force souveraineté» (TFS) qui assiste, dans une approche proactive, les investisseurs dans l’élaboration et la concrétisation de leurs projets d’investissement contribuant à la souveraineté industrielle, alimentaire et sanitaire dans l’ensemble du Royaume. Et ce, à travers un accompagnement personnalisé répondant aux besoins de chaque porteur de projets : soutien à l’investissement, facilitation administrative, identification du foncier, formation et renforcement des compétences des ressources humaines, accompagnement à la certification et à la normalisation, mise en relation avec les donneurs d’ordre, assistance technique et accompagnement à l’export. En plus d’améliorer la compétitivité du secteur pour un meilleur positionnement sur le marché local et à l’export, la TFS veut booster les filières industrielles qui alimentent les industries agroalimentaires. Les opportunités d’investissement sont nombreuses.

Des centaines ont d’ores et déjà été identifiées dans ce secteur suite à une analyse fine des importations nationales et des nouvelles tendances au niveau du marché local et à l’export. Ces opportunités ont fait l’objet de fiches projets qui sont mises à la disposition du grand public à travers une plateforme digitale dédiée (https://banquedeprojets.mcinet.gov.ma). Nous avons, par ailleurs, lancé le développement du sourcing local auprès de la grande et moyenne surface (GMS) par conviction que son rôle de canal de distribution pour le produit marocain peut évoluer vers un véritable levier du «Made in Morocco». Les premières opérations ont montré une très bonne adaptation des industriels marocains en termes de transformation et de substitution. Et la GMS a réalisé, de son côté, que la qualité du produit local est meilleure, qu’elle coûte beaucoup moins cher et que le stockage n’est plus nécessaire. C’est une logique de gagnantgagnant qui donne d’excellents résultats ! Avec ce principe, et pas plus tard que le 20 juin 2022, nous avons signé avec les présidents des associations et fédérations professionnelles du secteur des industries agroalimentaires et des secteurs fournisseurs quatre conventions pour renforcer l’intégration locale, en créant des synergies et des partenariats gagnant-gagnant entre les industries alimentaires et les autres écosystèmes industriels. Cela concerne notamment l’industrie de la plasturgie, l’industrie des emballages et l’industrie mécanique et métallurgique.

 

F. N. H. : Enfin, quelle est l’évolution des investissements dans le secteur et quelle appréciation en faites-vous ?

R. M. : Avec le rythme que connaissent les investissements dans de nouveaux segments agroalimentaires à forte valeur ajoutée au Maroc, on ne peut être que fier  ! A date d’aujourd’hui, ce sont 274 projets d’investissement qui ont été reçus dans le cadre de la banque de projets, soit 25% des projets identifiés par la TFS, pour bénéficier d’un appui à l’investissement à travers les mécanismes que j’ai mentionnés auparavant. Avec un montant d’investissement prévisionnel de 8,8 milliards de dirhams, ces projets couvrent plusieurs régions du Royaume et devraient créer 29.074 emplois directs et générer un chiffre d’affaires additionnel de 23,2 MMDH, dont 13,6 MMDH destinés au marché local. Et depuis l’entrée en vigueur du contrat-programme, l’investissement dans ce secteur s’est inscrit sur une courbe ascendante qui se traduit par la création d’emplois et se matérialise par la réalisation de plusieurs projets dans l’ensemble des régions du Royaume. Un chiffre éloquent : plus de 305 projets d’investissement relevant des filières identifiées dans le cadre du contratprogramme ont été retenus pour bénéficier d’un soutien financier à l’investissement à travers le Fonds de développement industriel et des investissements (FDII) et le Fonds de développement agricole (FDA). Relevant de différentes filières, ces projets totalisent un montant d’investissement prévisionnel de 8,5 MMDH et devraient permettre la création de plus de 22.000 emplois directs et 18.433 emplois indirects. C’est un état des lieux des plus positifs qui laisse présager d’un très bel avenir pour le secteur. Et nous continuerons à soutenir et accompagner les opérateurs afin de les aider à dévaler les marches vers la performance !

 

 

 

 

 

 

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