La généralisation de la CSU générera une forte demande sur les médicaments.
Les professionnels du secteur recommandent de prioriser l’utilisation des génériques.
Par M. Boukhari
En dépit de la crise sanitaire, le marché pharmaceutique a su se montrer résilient. D’après les chiffres donnés par IQVIA (Ex-IMS health) concernant le marché pharmaceutique privé marocain, l’année 2022 s’est terminée avec un chiffre d’affaires TTC de 14,6 milliards de dirhams, soit une évolution de +7,9% par rapport à 2021. En ce qui concerne le volume, il a atteint 451,4 millions de boîtes, avec une évolution de +5% par rapport à 2021. S’agissant des échanges commerciaux pharmaceutiques, la projection de l’année 2022 montre un retour des importations à 7.774,8 millions de dirhams et un retour du déficit de la balance commerciale à -6.533,7 millions de dirhams, avec toutefois une aggravation par rapport à 2020. Pour ce qui est des exportations pharmaceutiques, celles-ci auront atteint 1.241,0 millions de dirhams en 2022.
Par ailleurs, selon les professionnels du secteur pharmaceutique, le chantier actuel de la généralisation de la couverture sanitaire universelle (CSU) va certainement générer une très forte demande sur les médicaments, y compris pour les affections chroniques ou onéreuses. La question qui se pose est comment satisfaire cette demande sans ruiner les caisses gestionnaires de la CSU. D’après Abdelmajid Belaiche, expert en industrie pharmaceutique et membre de la Société marocaine de l’économie des produits de santé, la solution consistera à prioriser l’utilisation des médicaments génériques et des biosimilaires. De fait, ceux-ci constituent au Maroc l’unique levier de croissance du volume de consommation dans le marché pharmaceutique national.
«Les médicaments génériques représentent aujourd’hui un peu plus de 45% dans le marché pharmaceutique privé et beaucoup plus dans le marché public, mais ce n’est pas encore le cas des biosimilaires dont la présence reste très timide», a-t-il souligné. En ce qui concerne leur prix, les génériques coûtent moins chers que les médicaments princeps. Contrairement à certaines idées reçues, ceci n’altère en rien leur qualité, puisque les deux types de médicaments sont soumis aux mêmes contrôles par le Laboratoire national de contrôle des médicaments (LNCM) du ministère de la Santé et de la Protection sociale. Les prix bas des médicaments génériques s’expliquent, selon Abdelmajid Belaiche, par 3 éléments.
«Le premier élément est que contrairement aux princeps, ils n’ont pas de frais de recherche à amortir. Le deuxième élément est que tous les pays obligent les détenteurs de génériques à avoir des prix bien plus bas que ceux des princeps, pour réaliser des économies à leurs assurances maladies et à leurs patients. Enfin, le troisième point est que le détenteur du médicament générique qui arrive sur un marché monopolistique, face à un princeps bien installé, n’a pas d’autre choix que celui de baisser ses tarifs pour être plus compétitif». En revanche, les médicaments génériques au Maroc avaient subi de virulentes campagnes de dénigrement sur leur qualité, dans le cadre d’affrontements concurrentiels princeps-génériques.
«Dans le rapport du Conseil de la concurrence, nous avons parlé des pratiques anticoncurrentielles qu’ont subies les médicaments génériques, et dont la première victime était le patient, puisque ces pratiques ont freiné la mise à la disposition des patients de certains médicaments stratégiques à des prix très accessibles. C’est le cas notamment des médicaments contre les cancers, mais aussi de ceux de l’hépatite avant qu’ils ne soient fabriqués au Maroc, le Sofosbuvir et les autres antiviraux d’action directe. Heureusement que cela n’a pas empêché le développement des génériques au Maroc, à l’exception de quelques rares segments de marché», explique Belaiche.