SPÉCIAL SANTÉ. La souveraineté sanitaire dans la ligne de mire

SPÉCIAL SANTÉ. La souveraineté sanitaire dans la ligne de mire

La pandémie liée à la Covid-19 a montré la nécessité pour le Maroc de muscler son système de santé et de s’employer à acquérir une certaine souveraineté sanitaire. Laquelle, dans tous les pays, est maintenant érigée en priorité.

 

Par D. William

Un nouveau rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) insiste sur la nécessité pour les pays d’adapter de toute urgence leurs systèmes de santé afin de mieux faire face aux chocs futurs. Et ce, en investissant «massivement dans les personnels de santé», mais également en accroissant «les dépenses allouées à la prévention et aux infrastructures numériques». Ce rapport, qui montre que même les systèmes de santé les plus avancés au monde n’ont pas résisté à la pandémie de Covid-19, pointe trois grandes failles : le manque de préparation, le manque de personnel et le manque de financements. Pour le Maroc, la souveraineté sanitaire est non seulement une obligation, mais procède également d’une volonté royale. Dans son discours au Parlement le 8 octobre 2021, le Souverain avait été on ne peut plus clair.

«(…) La crise pandémique a révélé le retour en force du thème de la souveraineté. Qu’elle soit sanitaire, énergétique, industrielle, alimentaire ou autre, sa préservation est devenue l’enjeu d’une véritable compétition qui suscite des réactions fébriles chez certains», a-t-il affirmé. Tout en appelant à «consolider la sécurité stratégique du pays», à travers notamment «la création d’un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques et à la mise à jour continue des besoins nationaux en la matière». L’unité de fabrication de vaccins sise à Benslimane est le premier acte fort posé par le Royaume dans ce sens.

D’un investissement d’environ 400 à 500 millions d’euros à terme, elle dispose de trois lignes industrielles, dont la capacité combinée de production atteindra 116 millions d’unités en 2024. La dimension stratégique de ce projet est à apprécier à l’aune des conséquences induites par la pandémie liée au coronavirus non seulement sur le plan sanitaire, mais également budgétaire : en 2021, les importations de vaccins de la Covid-19 ont coûté 6 milliards de dirhams au Maroc. Mais si la souveraineté sanitaire reste une volonté forte et un objectif stratégique ambitieux du Royaume, elle demeure cependant impossible à atteindre dans le cadre d’une démarche unilatérale. Ce dont convient d’ailleurs le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, pour qui «tous les pays, malgré leur pouvoir économique, ne peuvent compter uniquement sur leurs propres ressources». Selon lui, «la souveraineté sanitaire peut se concevoir pour chaque pays, mais elle ne peut être effective qu’en travaillant avec d’autres partenaires».

C’est pourquoi, poursuit-il, «Sa Majesté est en train de travailler sur la souveraineté sanitaire au niveau continental». Abdelmajid Belaïche, analyste des marchés pharmaceutiques et chercheur en économie de la santé, estime, dans le même sens, que «la souveraineté sanitaire est un impératif. Celle-ci passe par l’approvisionnement régulier et durable du pays en produits de santé, et notamment en médicaments, et par la mobilisation des ressources humaines médicales et pharmaceutiques nécessaires». «S’il est difficile d’atteindre une autonomie à 100% en matière d’approvisionnement de produits de santé, il est essentiel d’aller le plus loin possible en matière d’autonomie et d’indépendance vis-à-vis de pays tiers. Cela passe par la substitution de l’essentiel des importations pharmaceutiques par la fabrication locale, pour se protéger au maximum des aléas et des incertitudes», poursuit-il.

 

Un chantier titanesque

L’unité de fabrication de vaccins s’inscrit dans une stratégie globale visant à doter le Maroc d’un système de santé efficace et efficient. La grande réforme du système de santé en cours de déploiement s’inscrit dans cette optique, avec l’objectif d’accompagner valablement la généralisation de l’assurance maladie obligatoire, colonne vertébrale du chantier de la protection sociale. Il s’agit d’une réforme transversale qui, selon le gouvernement, «vise à pallier les insuffisances de ce système et à offrir aux citoyens des services de soins de qualité par des structures efficientes et performantes». Elle se décline en quatre piliers, dont le premier concerne la valorisation et le renforcement des ressources humaines.

Le second a trait à la mise à niveau de l’offre de soins afin de répondre au mieux aux attentes des citoyens en termes d’accès effectifs aux services médicaux. Le troisième pilier concerne le renforcement de la gouvernance, qui devrait aboutir à la création de la Haute autorité de régulation intégrée de la santé, l’Agence nationale des médicaments et des produits de santé, ou encore l’Agence du sang et produits dérivés du sang. Enfin, pour le 4ème pilier, il s’agit de la mise en place d’un système informatique intégré. Pour assurer la réussite de cette refonte du système de santé, le gouvernement a mis les moyens sur la table : le budget du ministère de la Santé est passé de 16 à 28 Mds de DH entre 2019 et 2023. 

 

 

 

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