INRA: «Notre programme de recherche est basé sur l’anticipation des évolutions et défis émergents»

INRA: «Notre programme de recherche est basé sur l’anticipation des évolutions et défis émergents»

En 2021, l’agriculture marocaine a été dotée d’un nouveau programme de développement agricole dénommé Génération Green 2020-2030, qui accorde une importante place à la fois aux jeunes, aux nouvelles techniques agricoles et à la recherche. Un nouveau programme où tous les acteurs de l’écosystème agricole ont un rôle à jouer. Quel est celui qui a été assigné à l’Institut national de la recherche agronomique ? Sur quels sujets spécifiques ses équipes travaillent-elles ? Comment l’INRA est organisée pour accompagner le programme Génération Green vers le succès ? Tour d’horizon avec son Directeur général, Faouzi Bekkaoui.

 

Propos recueillis par A. Diouf

Finances News Hebdo : Après le Plan Maroc Vert, le Royaume s’est doté d’un nouveau programme pour développer l’agriculture. Il s’agit notamment de «Génération Green  2020-2030». Quelle est la mission assignée à l’INRA dans ce nouveau programme ?

Faouzi Bekkaoui : Suite au lancement de la nouvelle stratégie «Génération Green 2020-2030», l’INRA a préparé son nouveau Programme de recherche à moyen terme (2021-24), dont les composantes répondent aux différents axes de ladite stratégie. Il s’agit notamment de la consolidation des filières prioritaires et émergentes, par la sélection variétale et l’amélioration génétique, l’amélioration des techniques de production et de protection des cultures, la valorisation des produits agricoles et l’étude des chaines de valeur; la transition vers des systèmes de production résilients et durables; la mobilisation du levier digitale pour la gestion prévisionnelle; et la diffusion et le transfert des innovations. Par ailleurs, l’INRA a aussi pour mission de participer à la conception et à la réalisation des stratégies nationales par l’expertise acquise dans le domaine de la recherche agronomique, l’innovation et les acquis en la matière. Aussi, l’INRA est le lead de deux axes de la nouvelle stratégie Génération Green : l’axe de l’innovation et de la recherche et celui de la conservation des sols.

 

F.N.H. : La pérennité du développement agricole constitue un fondement de «Génération Green  2020-2030». Sur quels projets du Plan Maroc Vert continuez-vous encore à travailler  et pourquoi ?

F. B. : Notre programme de recherche à l’INRA est basé sur une vision dynamique du futur qui permet d’anticiper les évolutions et les défis émergents. Ainsi, la pérennité du développement agricole est au cœur de notre mission. Notre approche de programmation de la recherche est inclusive et prend en considération la particularité des systèmes agricoles et l’intégration des filières. Cette approche nous a permis d’être à la page des problématiques soulevées par la Stratégie Génération Green 2020-2030. Nous sommes conscients que notre intervention pour la consolidation des filières est primordiale. Un matériel génétique amélioré peut assurer des rendements plus élevés et une meilleure qualité qui peut conditionner l’accès à certains marchés. Pour cela, nous sommes engagés à produire et diffuser de nouvelles variétés de semences et plants performantes, avec la collaboration de nos partenaires de la filière des semences et plants. Les techniques de production et de protection au champ et en post-récolte constituent un terrain favorable à l’innovation et à la créativité pour pouvoir faire face aux changements globaux, en particulier ceux en relation avec le changement climatique. La valorisation des produits de l’agriculture constitue un levier de création de valeur ajoutée. La nouvelle stratégie table sur une valorisation de 70% des productions. Nous continuerons nos recherches dans ce domaine en caractérisant leur typicité et en développant des procédés innovants de conservation ou de transformation. La préservation des ressources naturelles impose d’opter pour des systèmes résilients et économes en intrants. Nos objectifs dans ce domaine épousent les orientations de la nouvelle stratégie, en particulier pour l’augmentation de l’efficience d’utilisation de l’eau et la conservation des sols et des terres de pâturages.

 

F.N.H. : La pérennisation du développement agricole passe aussi par un saut qualitatif et technologique au niveau des filières agricoles, des chaînes de distribution, ainsi que de la qualité et de l’innovation. Avez-vous des actions dans ces domaines ?

F. B. : En effet, nous sommes dans une ère de grande transformation digitale et un changement technologique rapide. Nos programmes de recherche essaient d’exploiter toute avancée technologique pour renforcer nos programmes de recherche, à l’image des technologies de Speed Breeding en amélioration génétique ou l’utilisation de l’imagerie acquise par drone pour le pilotage des opérations culturales et des traitements phytosanitaires. Nos programmes de recherche prévoient également l’adaptation et le transfert de nanotechnologies dans les domaines de l’irrigation ou la fertilisation. Nous avons prévu tout un programme de recherche sur l’agriculture digitale fondé sur la géomatique appliquée à l'agriculture et à l'environnement pour la gestion et la valorisation des ressources naturelles. Nous avons étudié, et nous continuerons d’approcher les chaînes de valeur, la gouvernance et les mécanismes de coordination, de transmission des prix et d’intégration des chaines de distribution à travers des analyses socio-économiques, et serons appelés à évoluer vers l’intégration des réseaux virtuels d’analyses des données et des plateformes digitales de service.

 

F.N.H. : L’AgriTech, c’est-à-dire l’application des nouvelles technologies pour préserver les ressources (eau, engrais, sols) et augmenter les rendements, prend chaque jour un peu plus d’ampleur dans le Royaume. Etes-vous engagé dans cette mouvance à l’INRA ?

F. B. : L’INRA mène des activités de recherche sur l’agriculture intelligente, notamment la fertilisation des cultures basée sur les nouvelles technologies spatiales, sur les drones et sur les capteurs de stress biotique et abiotique. Pour améliorer l’efficience d’utilisation d’intrants (eau, engrais, énergie, etc.), des essais sur des nouvelles méthodes d’irrigation (nano irrigation, irrigation à basse pression, irrigation de supplément, etc.), sur des méthodes de fertilisation (enrobage, bio fertilisation, etc.) et aussi l’utilisation des nouvelles machines agricoles de précision, notamment en semis direct, permettront d’asseoir de nouveaux modèles de production agricole durable. Aussi, l’utilisation des cartes de fertilité des sols et de vocation agricoles que l’INRA a développées durant la dernière décennie, permettra aux décideurs et aux agriculteurs de bien raisonner les choix des cultures et leurs fertilisations adaptées. L’INRA, à travers la mise en place d’un Living Lab  sur l’agriculture de précision appliquée aux agrumes au niveau du Centre régional de Kénitra, voudrait renforcer le volet de recherche sur l’agriculture digitale et de précision au Maroc. Les images multi spectrales prises par drone ont permis de détecter les arbres carencés en nutriments, corrigés par la suite à travers une application précise d’engrais foliaires par un drone agricole. Ces images multi spectrales nous ont permis de détecter également des stress hydriques et des carences en azote dans un verger d’oliviers. L’intervention par la suite à travers un drone agricole permettrait de corriger les carences d’une manière précise suivant la variabilité intra parcellaire détectée. Ces nouvelles technologies AgriTech nous permettront d’aller vers une agriculture rentable et durable à travers la rationalisation des intrants au niveau de la parcelle.

 

F.N.H. : Comment la démocratisation de l’AgriTech, qui est pour le moment accessible aux seuls grands fellahs, devrait-elle se faire au Maroc ?

F. B. : Le Maroc a fait un grand pas dans ce domaine et continuera à le faire. Sur le plan de la volonté politique, le pays a fait un choix irréversible de créer un ministère de la Transition numérique. Le PMV avait initié la démocratisation de l’AgriTech (exemple de l’irrigation goutte à goutte dont la subvention a atteint 100% pour de petites exploitations). C’est dans ce même esprit que Génération Green a donné la priorité à l’agriculture de précision, à la digitalisation et l’entrepreneuriat des jeunes. En effet, les jeunes fascinés par la haute technologie sont appelés à prendre la relève. Plusieurs chantiers sont ouverts par Génération Green et, juste à titre d’exemple, on peut citer la connexion de 2 millions d’agriculteurs aux e-services. A côté de la volonté politique, il y a des aspects non moins importants comme un environnement favorable, notamment l’existence d’acteurs publics et privés sensibles à l’AgriTech (Crédit Agricole du Maroc, OCP et start-up privées); une infrastructure de connectivité et de service de haut niveau (Internet, smartphones, satellites…); un cadre législatif et réglementaire incitatif pour la généralisation de l’AgriTech (digitalisation de l’administration et simplification de procédures, direction des SI du ministère…); un cadre de financement incitatif (FDA, Crédit Agricole… ); et une campagne sensibilisation, de formation et d’écoute des agriculteurs pour essayer de trouver des solutions convenables à leurs doléances, changer les mentalités et faciliter l’adoption.

 

 

 

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