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Un jour, une œuvre : Entre sobriété et somptuosité

Un jour, une œuvre : Entre sobriété et somptuosité

Ils avaient tourné le dos cinq minutes ! Voilà que la poésie redevint cool. Le phénomène relèverait d’ailleurs plutôt d’une réinvention que d’un retour en grâce.

 

La poésie, tout particulièrement, se profila comme une structure-parasol accueillant la peinture sous ses ailes. Sitôt que la poésie soit entremêlée avec les plastiques, on ne l’aborda plus avec les mêmes sens.

L'appréhension purement rétinienne cède la place à une lecture que l’on fait avec tous les sens : lire les vers, compter les syllabes, relire un passage intéressant, scruter l'aquarelle, modifier non seulement l’acte de lecture, mais aussi les émotions qu’elle suscite.

Le roman aura certes été la forme de la modernité, mais la poésie a tout, en rencontrant la peinture, pour devenir celle de l’hyperprésent.

Rajae Benchemsi compose une poésie directe, brute, qui assume parler de l’angoisse et la passion, sans jamais verser dans le trivial.

Les propositions réunies dans ce recueil, qu’elles soient courtes (une suite de haïkus) ou plus longues (en décasyllabes, alexandrins…), paraissent tout de suite d’une évidence désarmante.

On y croise la mort et la vie, car reprises et ruptures sont la loi de son écriture qui fait l'épreuve de la perte, du vide, du manque, tout en cherchant passionnément la plénitude – celle-ci dût-elle être éprouvée entre les mots, dans le blanc de la page, plus qu'en eux.

«Paroles de nuit» révèlent une poétesse d'une fraîcheur et d'une sensualité que les grandes architectures poétiques nous ont sans doute en partie masquées.

Ce recueil, superbement édité chez Marsam en 1997, et sobrement intitulé «Paroles de nuit», qui comprend un poème de Rajae Benchemsi, accompagné d’une aquarelle sobre et puissante de Farid Belkahia, époux de l’auteur, a été édité en 850 exemplaires, dont 125 accompagnés de 2 sérigraphies originales du peintre numérotées de 1 à 125.

En forme d’accordéon, ce livre précieux a inauguré une nouvelle collection associant peintres et poètes. C’est ce qui fait sa densité et le rend beaucoup plus sensoriel que vous ne le pensez. Car, la poésie est l’une des formes artistiques qui colle peut-être le plus avec l’art conceptuel.

Fidèle aux arts traditionnels, mais toujours avec l’idée d’un dépassement de ses techniques, Farid Belkahia marie les formes (l’alphabet berbère notamment) et les matières ancestrales avec la modernité de la représentation. N’utilisant que des pigments naturels, ces matériaux de prédilection sont pour autant le cuivre qu’il apprend à marteler dans un premier temps, et depuis 1974, le travail de la peau crue, en hommage au parchemin.

Dans «Paroles de nuit», l’aquarelle sur conqueror vergé (250 g) de ce grand peintre sorti du rang, court tout au long du volume en parallèle au texte, dont certains passages échappent à l’hermétisme, ainsi :

Et mon corps
Vorace et obstiné
Avance
Dans la nuit pourpre de ton crime
Pour savourer
L’opacité inviolable de ta passion.

On n’arrive pas à suivre, ni la poésie de Benchemsi, ni l’aquarelle de Belkahia, car l’ensemble va si vite à telle enseigne qu’on ne peut pas l’attraper. Mais, elles nous tiennent au collet et ne nous lâchent jamais.

 

Par R.K.H

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