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Pr Intissar Haddiya : «J’essaie de cultiver une approche sereine vis-à-vis de notre réalité sociale»

Pr Intissar Haddiya : «J’essaie de cultiver une approche sereine vis-à-vis de notre réalité sociale»

Le professeur Intissar Haddiya, médecin-néphrologue et romancière, aborde avec justesse plusieurs aspects de la société marocaine, notamment les discriminations dont est victime la femme.

Pour elle, l’auteur a un rôle à jouer dans la société à laquelle il appartient. Entretien.

 

Propos recueillis par Ibtissam. Z.

Finances News Hebdo : Vous abordez plusieurs thématiques, mais la femme est toujours au cœur de vos écrits, à l’image de votre roman «L'inconnue». S’agit-il d’une révolte personnelle ou vous considérezvous comme une porte-parole des femmes opprimées ?

Pr Intissar Haddiya : Pas du tout. Je ne me définis pas comme une personne révoltée. Bien au contraire, j’essaie de cultiver une approche sereine vis-à-vis de notre réalité sociale. Mes écrits, c’est une manière d’inviter à réfléchir sur des thèmes relatifs à notre marocanité commune, tels la place de la femme dans la famille, la société, les injustices, les inégalités et les contraintes des moins nanties, qui n’ont pas les outils nécessaires ni la capacité de porter leur voix. Le choix d’écrire sur la condition féminine dans notre pays émane du constat que cette thématique n’est pas représentée à sa juste valeur dans le paysage culturel marocain. Force est de constater la paucité des ouvrages construits autour de cette cause, tout comme il existe peu de femmes romancières sous nos cieux. Aussi, j’estime que l’auteur a un rôle à jouer dans la société à laquelle il appartient. Il ne peut feindre l’indifférence en fermant les yeux sur ce qui l’entoure. D’ailleurs, la littérature a cela de merveilleux qu’elle offre une immersion dans des dimensions variées, avec la possibilité de s’identifier aux personnages et d’envisager des voies, des ouvertures inédites, voire inattendues. Et c’est par ce biais précisément que la lecture d’un roman contribue à muscler l’imaginaire, élargir les horizons et les perspectives du lecteur. Pour ce qui est d’écrire, c’est un véritable enchantement. C’est l’occasion de créer, de s’interroger, se réinventer, s’indigner et inviter à faire de même.

 

F.N.H. : Partant de l’idée que la femme est l’élément principal du développement d’une nation, comment situeriez-vous la femme marocaine dans la société d’aujourd’hui ?

Pr I. H. : Je suis très sensible bien entendu à ces notions de parité et d’égalité dans le contexte marocain. Certes, beaucoup de chemin a été parcouru. Le Maroc a connu à travers la Moudawana une réforme sans précédent qui a pour but de consacrer l’égalité homme-femme et améliorer le droit des femmes au sein de la cellule familiale. Une réforme qui connaît cependant quelques résistances essentiellement culturelles pour sa mise en application au sein de la société. En effet, les femmes ont acquis un certain nombre de droits, intégré plusieurs secteurs, obtiennent de plus en plus de responsabilités et les assument avec brio. Les réussites au féminin sont de plus en plus nombreuses. Toutefois, un certain nombre d’insuffisances persiste. Des fillettes qui n’ont pas accès à l’éducation qui, pourtant, est leur seule voie vers l'émancipation. Des femmes qui travaillent en étant moins bien payées que les hommes à rendement égal… Des injustices désolantes ! Aussi, les femmes sont encore bien souvent dans l’ombre, limitées à des rôles sociaux restreints et ont moins facilement la possibilité de s’exprimer.

 

F.N.H. : Comment peut-on changer cette image réductrice que la société a parfois de la femme ? Et quel message essayez-vous de transmettre à travers vos écrits ?

Pr I. H. : Voyez-vous, mes romans dépeignent toujours des profils de femmes combatives de différentes classes sociales, dont les destins s’entremêlent souvent de manière très inattendue porteuses d’espoir. Je dirais que le message clé qui traverse mes écrits est que la femme marocaine a beaucoup de mérite et a tellement à donner à la société, pour peu qu’elle en ait l’occasion. Mes livres sont, somme toute, un hommage à la femme marocaine, courageuse et déterminée, qui sait garder la tête hors de l’eau en dépit de l’adversité absolue. Partant de cette idée, j’essaie de raconter les histoires de ces femmes, mettre de la lumière sur leurs vécus, leurs contraintes, les pressions qu’elles subissent. J’en fais souvent des personnages principaux : une manière, un tant soit peu de leur donner la parole et de contribuer à une prise de conscience quant à leur condition.

 

F.N.H. : Un long chemin a été parcouru par nos ainées en matière de droits des femmes. Pour autant, des efforts restent à faire. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes marocaines à l’occasion de la Journée du 8 mars ?

Pr I. H. : Il reste des efforts à faire, comme vous dites, en dépit de tout ce qui a été accompli. Mon conseil aux femmes marocaines est le suivant : «Instruisez-vous et croyez en vous ! Donnez-vous les moyens de réussir, car chaque personne possède ses propres potentiels qu’il faudra savoir exploiter, rentabiliser pour en tirer le meilleur. Ne vous confortez surtout pas dans des attitudes victimaires; la vie est une série d’épreuves, c’est ce qui la rend intéressante, et il y a toujours moyen de s’en sortir. Ce n’est certes pas facile ! Mais, ce qui est certain, c’est que l’effort, le travail et la persévérance finissent toujours par porter leurs fruits. Entourez-vous de personnes qui vous donnent une bonne opinion de vousmême. Personne n’est parfait et on n’est pas supposé l’être. Il y aura toujours des hauts et des bas, mais il n’y a pas d’échecs, il n’y a que des leçons. Ayez des objectifs clairs, armez-vous de motivation, de courage et de détermination. Et quelle que soit la difficulté, ne baissez surtout pas les bras, avancez, l’essentiel est de continuer d’avancer…».

 

F.N.H. : Cette double casquette d’écrivaine et de néphrologue nous interpelle pour mettre en relief la Journée mondiale du rein, célébrée le 10 mars. A cet effet, et en tenant compte de la pandémie, quel constat faites-vous aujourd’hui de la maladie rénale au Maroc ?

Pr I. H. :  Au Maroc, comme partout dans le monde, le nombre de sujets atteints de maladie rénale chronique est en constante augmentation. Pus de 33.000 patients sont actuellement traités par hémodialyse, et ce chiffre augmente quotidiennement. Il représente un véritable défi pour notre système de santé. De plus, la mortalité chez les patients dialysés a particulièrement augmenté ces deux dernières années du fait de la pandémie de la Covid-19, étant donné la prévalence des comorbidités telles les complications cardiovasculaires et le diabète, qui sont associés à un mauvais pronostic chez nos patients. Par ailleurs, la transplantation rénale, qui est le traitement idéal de l’insuffisance rénale chronique terminale, demeure en deçà des besoins en dépit des efforts déployés pour la promouvoir, étant donné qu’elle est tributaire du don volontaire de rein. Ce dernier requiert une sensibilisation plus large et régulière du grand public afin d’informer les citoyens sur l’intérêt de cette méthode thérapeutique et encourager le don intrafamilial et aussi après le décès (cas des donneurs en mort encéphalique). C’est pour ces raisons que la Journée mondiale du rein, célébrée annuellement le deuxième jeudi du mois de mars, est un événement majeur pour la communauté néphrologique. Elle a pour objet de mettre la lumière sur cet organe, sensibiliser sur le fardeau des maladies rénales et des défis des traitements de suppléance.

 

F.N.H. : Vous avez sorti plusieurs romans à succès. Donnez-nous quelques bribes de votre prochain livre ?

Pr I. H. : Effectivement, je suis sur un nouveau roman dont l’écriture me procure, comme à l’accoutumée, beaucoup de plaisir. Je continue à écrire avec le même enthousiasme et la même joie de mon adolescence, fidèle à mes thématiques sociales marocaines, avec les femmes comme personnages principaux. Le roman à paraître dans les prochains mois est une histoire saupoudrée de suspense, qui traite les maux de notre société contemporaine de manière frontale ou subtile au gré des chapitres. Je laisserai comme d’habitude à mes lecteurs le plaisir de le découvrir au moment opportun. 

 

 

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