On dirait presque que l'avenir des salles de cinéma au Maroc n'intéresse plus personnes, vu le rythme avec lequel les salles obscures disparaissent. Un phénomène assez alarmant qui menace le patrimoine cinématographique marocain. Selon les statistiques du Centre Cinématographique Marocain (CCM), le nombre de salles est passé de 124 en 2006 à 46 en activité en 2011.
Plus inquiétant encore, plusieurs villes du Royaume n'ont pas d'espace cinéma, notamment Ouarzazate, El Jadida, Béni Mellal et Essaouira.
Les propriétaires de salles ont dû mettre la clé sous le paillasson faute de moyens financiers et pour plusieurs autres raisons. D'une part, le piratage des DVD, un phénomène qui a largement changé les habitudes des spectateurs qui vont de moins au moins au cinéma, malgré une qualité de DVD qui laisse parfois à désirer. Ce qui a accentué le recul d'affluence des spectateurs. D'autre part, les taxes restent trop élevées comparativement aux revenus des salles. De ce fait, les exploitants n'arrivant pas à joindre les deux bouts, les salles ne sont pas entretenues et ne respectent pas les normes de projection en termes de qualité d'image, de son et de confort. La plupart des salles qui existent encore sont devenues des lieux de rencontres clandestines, une réalité choquante mais qui existe malheureusement.
De leur côté, les distributeurs de films ont dû mettre fin à leurs activités ; sur 50 maisons de distribution, seules 5 sont en activité ralentie. Plus de 300 familles sont mises au chômage forcé dont des opérateurs, caissiers, contrôleurs, programmateurs…
A qui la faute ?
L'Etat est le premier responsable de cette situation lamentable. Aucune mesure efficace n'a été prise pour sauver ce qu'il reste encore à sauver, alors qu'il demeure l'acteur majeur de la sauvegarde du patrimoine des salles de cinéma. Il doit aussi jouer le rôle de facilitateur de projet et d'incitateur auprès des collectivités locales pour que de nouvelles salles voient le jour. Ce qui revient à dire qu'il faut une réelle volonté politique pour arrêter ce désastre et réintégrer les salles dans les projets d'aménagement du territoire. D'après Tarik Mounim, président de l'Association Save Cinemas In Marocco, les associations professionnelles ont participé à plusieurs réunions tenues sous l'égide du ministre de la Communication, pour élaborer un contrat-programme. Malheureusement, ce dernier n'a pas été signé puisque les recommandations de la société civile, représentée par les associations, n'ont pas été prises en considération.
Les pouvoirs publics doivent se mobiliser en urgence, avec la mise en place d'actions notamment contre le piratage. Avec le contrôle des téléchargements illicites via Internet par les sociétés de Telecom comme c'est le cas en Europe. Il faudrait aussi contrôler l'import des DVD vierges en octroyant des autorisations d'importation à des commerçants sérieux et contrôlables. Une autre mesure s'impose : il faut arrêter la destruction des salles et penser à les réhabiliter. Autre constat, la loi N° 34-05 relative aux droits d'auteur n'est pas strictement appliquée.
Toutes ces actions devraient sauver notre patrimoine culturel, sachant que le cinéma marocain connaît ces dernières années une certaine réussite. Avec plus de 15 films marocains produits par an, dont la majorité a connu un grand succès dans les festivals nationaux et internationaux.
La réussite d'un film se mesure par le nombre d'entrées, et si nous ne disposons plus de salles, comment voulez-vous que notre industrie
cinématographique puisse prendre son élan ?
L. B.