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Chronique : Au-delà des contingences

Chronique : Au-delà des contingences

 

C’est une évidence, à plus d’un égard. Un destin n’est jamais une punition. Nous pouvons le façonner à notre guise, selon notre volonté et selon notre capacité de résister et de refuser. Tout comme on peut changer le destin en offrande, avec l’acceptation, avec le désir d’éprouver sa destinée dans ce qu’elle a de plus profond, de plus cruel, de plus glaçant et de plus revigorant, avec constamment cette volonté de se dépasser, de se surpasser, d’aller au-delà de ses limites. Cela passe souvent par l’idée de la création, qui, elle, donne un sens au destin, dans ce sens également que créer, c’est nous donner la capacité de vivre deux fois son existence. Une fois avec ses contingences réelles et ses impératifs conscient. La deuxième fois avec l’imagination, avec le songe, avec l’art, avec la volonté de sublimer cette destinée et ce vécu en lui octroyant une ouverture sur l’inconnu, c sur l’ouvert, sur ce qui ne peut être circonscrit, c’est-à-dire la capacité humaine de tout façonner et remodeler à l’infini, dans un désir intrinsèque de faire de sa vie une œuvre d’art, son œuvre d’art.
 
Dans ce cheminement, il est impératif de garder cette vérité en tête : «L’œuvre d’art naît du renoncement de l’intelligence à raisonner le concret», comme le souligne Albert Camus dans Le mythe de Sisyphe.  L’homme s’ouvre sur ce qui est tangible et concret et fait l’impasse, volontairement ou à son insu, sur sa volonté d’intellection face à ce qui se manifeste devant lui, dans sa vie. Il choisit, dans un sens, de ne pas raisonner, de ne pas soumettre cet aspect particulier du vécu à l’emprise de la raison. Il la transcende en ouvrant un nouveau champ de possible : celui qui naît dans le cœur et dans l’esprit et qui s’adresse au cœur et à l’esprit, dans un élan de rêveries récalcitrantes aux exigences du réel. La pensée se situe ici au-delà du concret. Elle englobe le non-dit, le non-apparent, l’invisible, ce que l’on tait, ce qui ne peut se voir, parce qu’il prend corps loin de la perception première qui focalise uniquement sur ce que l’on touche de manière directe, ici et maintenant.
 
C’est là que l’on comprend que la pensée, quand elle est empreinte de la liberté du rêve, allant au-delà des impératifs de la raison, unifie le conscient et l’inconscient, drape le sentiment et son corollaire l’émotion d’une même aura, celle de la vision, qui se situe au-delà de la vue : «Penser, ce n'est pas unifier, rendre familière l'apparence sous le visage d'un grand principe. Penser, c'est réapprendre à voir, diriger sa conscience, faire de chaque image un lieu privilégié», précise Albert Camus. Une autre manière d’appréhender la vie et le vivant, de questionner les choses et les événements, une autre lecture de ce qui advient et de ce qui se joue devant nos yeux, une autre trajectoire pour la conscience qui ouvre devant elle des horizons capables d’ouvrir sur des territoires privilégiés.

 

Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste 

 

 

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