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Rétrospective: quel bilan en 2023 ?

Rétrospective: quel bilan en 2023 ?

Comme pour tous les autres secteurs vitaux du pays, la culture fait aussi son bilan 2023 pour s’arrêter sur les réalisations culturelles dans des domaines divers allant du cinéma à la littérature, en passant par les arts plastiques, le théâtre, les festivals, la chanson, la photographie et le Street art. Zoom avant.

 

Par A. Najib

Sans ambages, on peut affirmer que la culture au Maroc mérite un meilleur traitement et plus de visibilité. La culture étant le premier ambassadeur d’une nation partout dans un monde où les arts, les figures culturelles, le rayonnement civilisationnel peuvent remplir leur rôle d’ancrage. Et ce, à une époque où les différentes cultures de la planète redoublent d’efforts pour se positionner comme des locomotives éclairant les autres cultures en entrant en dialogue avec elles. C’est partant de ce postulat de base que ce potentiel culturel et artistique marocain doit être accompagné d’une politique nationale.

Cette dernière a conscience du grand rôle que peut jouer le Maroc culturel dans le monde d’aujourd’hui, avec des talents certains, une jeunesse volontariste, des idées novatrices et avant-gardistes. A l’instar de ce que le pays a réussi à mettre sur pied dans un domaine comme le football, qui a placé le Royaume sur l’échiquier planétaire du ballon rond. Il n’y a qu’à voir tout le retentissement d’un tel exploit sportif pour se convaincre de l’importance de miser sur des diplomaties parallèles à même de participer à cette dynamique que vit le Maroc depuis quelques années.

Consécration du cinéma marocain

Ceci étant dit, comment était cette année 2023 d’un point de vue culturel et artistique ? Quels en ont été les acteurs les plus en vue ? Quels domaines se sont illustrés ? Et avec quels contenus et quels messages à la fois intellectuels, sociaux, éthiques et humains ? Pour répondre à ces questions, la première chose qui vient à l’esprit est cette consécration du cinéma marocain à travers des noms comme celui de Asmae El Moudir. Elle a remporté l’Étoile d’or de la XXème édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM) pour son long-métrage, intitulé : «La mère de tous les mensonges».

Un opus bien mené, avec un scénario attachant. «La mère de tous les mensonges» raconte l'histoire de la jeune cinéaste Asmae, qui rend visite à ses parents à Casablanca pour les aider à déménager. Une fois chez elle, Asmae commence à trier les vieilles affaires de son enfance. Tout à coup, elle tombe sur une photo qui devient le point de départ d’une investigation durant laquelle Asmae interroge tous les petits mensonges que lui racontait sa famille. Au fur et à mesure, elle explore la mémoire de son quartier et de son pays.

D’ailleurs, pour cette édition 2023 du FIFM, en plus du Grand Prix, le Maroc est également présent dans le palmarès de cette édition à travers le film «Les Meutes» de Kamal Lazraq, qui a remporté ex aequo avec «Bye Bye Tibériade» de Lina Soualem (Palestine) le Prix du Jury. C’est là une nouvelle génération de réalisateurs et de réalisatrices qui rompt avec le savoir-faire cinématographique du passé, avec de nouvelles thématiques, un nouveau regard sur le Maroc et sur les mutations de la société. Et aussi avec une autre approche du cinéma qui tranche avec les pratiques surannées d’un certain cinéma à bout de souffle et en déphasage complet avec les mouvances et les changements que traverse la société marocaine.

A ces deux distinctions, on peut ajouter la présence d’une autre réalisatrice marocaine lors du festival de Cannes 2023. Il s’agit de Mariam Touzani, première Marocaine membre du jury du festival cannois. Sans oublier son film, «Le bleu du caftan», qui a eu une belle carrière internationale et nationale, ayant été primé ici et ailleurs, confirmant le travail assidu d’une réalisatrice qui a de l’audace et du cran. L’autre film qui s’est distingué à Cannes 2023 est celui de la jeune lauréate de l'ESAV Marrakech Zineb Wakrim. Il a remporté le troisième Prix de la compétition CINEF pour son court métrage poétique «Ayyur» (lune en langue amazighe).

À ces noms, il faut aussi ajouter celui de Leila Kilani, qui promet d’écrire de belles pages du cinéma marocain, lequel a un grand besoin de sang nouveau et, surtout, d’un nouveau regard sur soi et sur les réalités de ce monde, sans clichés, sans folklore, sans approximations. Les arts plastiques en orbite L’autre domaine qui a vécu une belle année culturelle 2023, c’est celui des arts plastiques, avec de belles expositions, des rétrospectives honorant des visages du passé et surtout quelques talents.

Lesquels confirment la bonne santé d’une peinture marocaine qui compte tout de même des noms qui ont marqué le monde des arts, tels que Mohamed Kacimi, Farid Belkahia ou encore Malika Agueznay. Cette année a fait la part belle à un mélange du passé et du futur. Dernier fait en date, les 50 ans de peinture d’une figure pionnière comme Bouchta El Hayani qui a exposé à l’Atelier 21 de Casablanca. Une galerie qui s’applique à faire vivre la peinture marocaine, entre hier et demain, mettant en avant de nouveaux visages et de nouvelles approches. La galerie a aussi exposé les travaux d’artistes comme Omar Mahfoudi, Mo Baala, Hako Hankson et d’autres, toujours avec cette volonté d’offrir aux aficionados des exhibitions artistiques de belle facture.

D’autres galeries ont aussi réalisé une belle année 2023, à Marrakech, à Tanger, à Rabat et ailleurs, avec ce souci de miser sur la profondeur et sur des artistes sérieux, engagés dans leur art et qui portent un regard sans compromis sur leur pays. Dans ce même élan des arts plastiques, on cite aussi quelques instants artistiques réalisés par le Musée Mohammed VI d’art contemporain à Rabat. Ce dernier a offert au public amateur un retour sur la passion de Vieira Da Silva et Arpad Zsenes dans une exposition de qualité, sans oublier de mettre en exergue l’héritage africain en exposant l’art du Bénin.

Parlons musique…

Côté musique, l’un des événements phares de l’année 2023 demeure sans conteste, la série de concerts offerts par Al Akademia, sous la direction de la grande violoniste marocaine, Cheffe d’attaque à l’Opéra de Berlin en Allemagne, Monia Rizkallah. Elle a conduit un bel orchestre philharmonique de jeunes marocains de tous bords, après une résidence à l’Académie du Royaume du Maroc, pour offrir aux amoureux de la musique classique quelques instants de pure beauté.

Dans ce même esprit, il faut citer l’apport d’un rendez-vous comme le festival «Andalussyat», organisé par l’Association des amateurs de la musique andalouse, et qui a soufflé cette année son vingtième anniversaire. On peut aussi revenir sur les journées offertes par la 8ème édition du Festival du malhoun et de la chanson patriotique, qui a été organisée cette année, autour du thème «L’art du malhoun, un recueil des aspects civilisationnels des Marocains - L’artisanat comme exemple».

… Théâtre…

Côté planches, le théâtre essaie de survivre dans une scène artistique où il n’a pas la place qu’il mérite. Pourtant, le théâtre marocain a donné de très belles œuvres et a vu la naissance de plusieurs troupes, avec des styles et des approches très diversifiées. Il est en avance sur certaines temporalités ici et ailleurs, surtout dans le monde arabe où le théâtre marocain jouit d’une estime justifiée à plus d’un égard.

Cette année, le Festival national du théâtre de Tétouan, dans sa 23ème édition, a été une occasion de voir de près où en est la production théâtrale nationale, avec onze œuvres en lice et une série d’hommages à quelques visages incontournables de la scène nationale aujourd’hui. Le théâtre a également eu un autre moment fort, avec la présentation à Rabat d’une dizaine de pièces de théâtre présentées par des écoles supérieures d’art dramatique de plusieurs pays qui ont participé au Festival international des écoles supérieures d’art dramatique (FIESAD 2023).

Il s’agit de l’Université de musique, théâtre et média de Hanovre (Allemagne), l’École nationale supérieure d’art dramatique de Montpellier (France), l’Institut supérieur d’art dramatique du Caire (Égypte), l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle de Rabat (Maroc), l’Institut national des arts de Nouakchott (Mauritanie), l’Université des arts d’Utrecht (Pays-Bas), du Centre universitaire de théâtre de Mexico (Mexique), de l’Ecole de cinéma de Lodz (Pologne) et l’Ecole nationale des arts et métiers de la culture de Dakar (Sénégal). Une occasion d’émulation et de partage interculturel mettant l’art de la scène en avant, à travers toute une jeunesse volontariste et talentueuse.

… Et littérature

Côté littérature, édition, livres et lecture, c’est là où l’année 2023 n’a pas dérogé à la règle. Tous les indicateurs restent très en deçà des espoirs que l’on peut mettre dans le rayonnement et la place que peut jouer la production littéraire marocaine. Encore une fois, en dehors du Salon du livre qui a eu lieu à Rabat et des Premières journées littéraires de Casablanca, dans une énième tentative de faire vivre le livre, le monde de l’édition au Maroc souffre d’un mal chronique.

On peut le résumer par le manque de lecteurs, le manque d’intérêt de la part des autorités, de couverture de la part de certains médias qui considèrent le livre comme la cinquième roue du carrosse. Une erreur qui se paie cash quand on se réfère aux chiffres de la lecture au Maroc, avec 6 minutes de lecture en moyenne pour l’ensemble de la population qui sait lire et écrire. Une situation dramatique qui fait également la part belle à la promotion de la médiocratie dans une société en manque de repères.

Et où la culture, les arts et la littérature peuvent être d’un apport considérable pour véhiculer d’autres valeurs humaines et combattre cette inclination dangereuse à la futilité, à la batardisation d’une culture marocaine multiséculaire qui mérite beaucoup mieux. Pour ce faire, il est urgent de prendre conscience des urgences culturelles dans ce pays. Il est crucial de faire le solde de tout compte des pratiques passéistes en termes de gestion de la chose culturelle et de miser sur des valeurs certaines, dans tous les domaines culturels, pour créer ainsi une réelle movida marocaine, avec les particularités sociétales et culturelles.

 

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