Une sélection de rendez-vous à ne pas manquer ces temps-ci. Faouzi Laatiris, Gérard Rancinan, Saïd Afifi entre autres réjouissances conseillées sont notamment au programme des expos à découvrir.
Laatiris : Pour une jubilation
Si Faouzi Laatiris soustrait les objets aux territoires de leur fonction, ce n’est pas seulement pour les exalter en les faisant pénétrer ainsi dans l’espace sacré de l’art (il n’est ni archéologue, ni assembleur de reliques), mais davantage pour célébrer avec eux le réel, comme la force vive d’un présent que seul un artiste peut construire.
Légende photo : Cette œuvre est à voir au Musée de la Kasbah (nouvel espace d’art contemporain de Tanger) dans le cadre de l’exposition «L’Ecole du Nord».
Voyage au coeur du magma humain
Dans un parcours en trois parties (Métamorphoses; Wonderful World; Un petit Homme dans un vaste monde), images et récits s'embrassent pour mieux sonder la nature profonde des hommes. «Les écrits scénographiés engagent le regard et provoquent l’éveil des consciences», souligne l’écrivaine Caroline Gaudriault, qui avec des textes et installations artistiques partage les cimaises du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain avec le photographe Gérard Rancinan. On y retrouve dans De rage et de désir, le cœur battant des Hommes, trois installations calligraphiques et quarante photographies monumentales, «pleines de métaphores, de symboliques et de clins d’œil à la fois évidents et subtils», souligne le président de la Fondation nationale des musées Mehdi Qotbi. En revisitant des scènes mythiques de l’histoire de l’art, inspirées des tableaux de grands peintres de la Renaissance et de l’art moderne tels que Caravage, Velasquez, De Vinci, Delacroix ou encore Géricault, Rancinan pousse son public à s’interroger sur l’évolution de notre société contemporaine et ses dérives. Ce travail se veut tel un miroir de l’existence et témoigne de l’évolution de l’Homme et de nos sociétés. «Je suis un témoin éveillé des métamorphoses de notre société», se plaît à dire Gérard. Le film artistique des artistes, La probabilité du Miracle, et le documentaire La Trilogie des Modernes complètent le parcours de cette exposition qui se poursuit jusqu’au 8 mars 2022.
Légende photo : le Banquet des Idoles, Série Wonderful World, 180 x 300 cm 70,87 x 118,11 inch © Gérard Rancinan
Matières plurielles
Jusqu’au 15 février, dix artistes dialoguent, à la galerie Abla Ababou, à Rabat, autour d’une thématique commune : la matière. Entre sculpture, tissage, collage, peinture sur verre et sur toile, les univers défilent mais ne se ressemblent pas. A chacun sa technique. A chacun son histoire. Noureddine Amir la raconte avec de la laine. Cette matière que Morran Ben Lahcen magnifie, lui aussi, dans ses tableaux sculpturaux où dominent des formes arborescentes et sa couleur fétiche : un orange intense et lumineux. Une lumière que Karim Marrakchi exploite avec poésie dans ses tableaux sur verre. Aussi sensuelle, Fatiha Zemmouri se sert de la terre pour dessiner et graver des jarres fissurées, tridimensionnelles, en témoignage de la fragilité de la matière et d’une époque révolue. Un travail qui dialogue avec les portraits de Mohammed El Mourid imprimés sur de la peau de bête. Des visages de souverains marocains et de femmes du siècle dernier figés sur la peau interpellent. Bestialité ou humanité ? Mémoire ou oubli ? Une course au questionnement rappelant en permanence la vulnérabilité de l’homme représenté par Mohammed Arrhioui avec ses silhouettes recroquevillées, incrustées de coquilles d’œuf. Quant à Itaf Benjelloun, elle préfère faire danser son personnage réalisé avec des fragments d’objets pour tourner le dos à la souffrance. Un savant jeu d’assemblage de différents matériaux que Mohammed Mourabiti manie avec brio pour nous plonger dans des paysages où marabouts, antennes paraboliques et seins de femme cohabitent. Un reflet de notre époque moderne jonché par les traces du passé. Des traces omniprésentes chez Hamid Douieb qui nous livre dans un seul tableau une superposition de plusieurs travaux allant du dessin à la peinture en passant par le collage. Et pour finir, Karim Alaoui offre à voir des bustes masculins et féminins où affres de la vieillesse et esthétisme de la jeunesse sont gravés dans le métal.
Légende photo : Mohammed Arrhioui - Sans titre - 110x110x04 cm - Coquille d'oeuf et résine sur bois - 2021.
Faire inversion
L’exposition «Faire inversion», qui se poursuit jusqu’au 28 janvier à Le Cube Independent Art Room, est le fruit d’un temps d’expérimentation et de recherches plastiques autour du ciment et de la poudre de marbre, que Lucie Laflorentie a effectué en 2019 et en 2021 entre Khémisset et en résidence au Cube à Rabat. Le travail de Lucie Laflorentie autour de la matière et de la couleur questionne le déplacement du geste ouvrier, du paysage, mais aussi des motifs qui les constituent. Qu’ils soient organiques ou architecturaux, liés à un territoire, à l’activité humaine, à la pensée, à l’histoire ou à l’imagination. Les pistes ouvertes pendant ses deux résidences au Cube et dans un atelier spécialisé dans le carreau de ciment à Khémisset lui permettent d’expérimenter de plus grands formats et de nouveaux motifs, pièces qui restent en corrélation avec ses travaux passés – autour de sujets comme le paysage, le milieu ouvrier et agricole, le rapport aux savoirs artisanaux.
Les constellations de la Terre
L’artiste plasticien Saïd Afifi expose pour la première fois ses œuvres à la galerie d’art L’Atelier 21 à Casablanca, du 1er février au 5 mars 2022, à l’occasion d’un solo show intitulé Les constellations de la Terre. L’artiste oriente son travail vers les problématiques du paysage naturel, du biomimétisme et de l'impact des nouvelles technologies dans l’observation du monde. Fasciné par l’archéologie, les lieux futuristes, les images scientifiques des montagnes et des fonds marins, Saïd Afifi ouvre au paysage, un genre classique, des possibilités d’expression inédites. Il apporte aussi la preuve que l’artiste peut exploiter les outils les plus à la pointe de la technologie pour donner une nouvelle vigueur à la peinture et au dessin.
Légende photo : Géomorphologie d’un exo-paysage : Relevé 2. Acrylique sur toile, 120x100cm, 2021.
Khadija El Hattab : Une fraîcheur étincelante
Jusqu’au 31 janvier, la galerie casablancaise, Living 4 Art, donne à voir l’expo solo-show de l’artiste autodidacte Khadija El Hattab, sobrement intitulée «L’aube». A travers des compositions à la fois simples et structurées, abstraites ou expressives…, l’artiste cherche à traduire les valeurs humaines, telles que l’ouverture, l’acceptation, l’empathie, la solidarité, le civisme entre autres. Ses toiles traduisent un mouvement continu vers l'«autre».
Lowie et Faris accueillis à la Galerie A2
Présentée par la Galerie A2 qui inaugure sa programmation 2022, cette exposition offre à voir des sculptures conçues avec des agitateurs en bois réservés pour touiller le café et du fer galvanisé, prenant des formes inattendues. Elles sont le fruit de l’imaginaire de deux acolytes : Patrick Lowi et Bilal Faris. Une rencontre étonnante entre deux mondes et deux cultures, une association que rien ne laisse présager. On y retrouve des réalisations originales et des luminaires destinés à la décoration.
Sous d’autres cieux
La galerie new yorkaise Hannah Traore, donne à voir du 20 janvier au 16 avril, «Mi Casa Su Casa». C’est une installation curatée par l'artiste Hassan Hajjaj, développant son projet «Le Salon». L'exposition comprend des œuvres d'artistes marocains qui ont inspiré l’artiste, et abordent les thèmes de l'identité ainsi que de la maison. Abdelghafour Bendadryef, Amine Oulmakki, Hasnae El Ouarga, Hosein Jaddad, Isamil Zaidy, Madiha Sebbani, Meriem Yin, Nabil Nadifi, Nour Eddin Tilsaghani, Rachid Ouettassi, Salah Bouade, Yassine Sellame, Yoriyas et Youness Miloudi : cette exposition, rassemble bon nombre d’artistes d'âges et de parcours différents.
Légende photo : Passage 1, une oeuvre de Nour Eddine Tilsaghani
La Casa Amarilla Estudio
Il s'agit d'un studio à but non lucratif sur l'art et la culture contemporains qui ouvre ses portes dans la ville de Tanger. «Quelque part, il faudra fonder Casa Amarilla, comme dit Van Gogh, et rassembler des gens avec des idées et du talent qui verront plus tard comment ils s'en sortent. Quelque chose d'aussi social que le théâtre. Elle ne peut être abordée à partir de points de vue isolés : un accord rationnel doit être trouvé (Journaux de Bertoit Brecht 1921).»